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      Johanne était dans un état second. Elle se laissa pousser sans trop de délicatesse vers un aéroglisseur qui attendait sur le bord du trottoir. « Monte ! » ordonna-t-il. La jeune femme s’exécuta et s’assit à l’arrière. Quelques secondes plus tard, une déflagration se fit entendre. Amalric et les autres passants se jetèrent au sol. La tête de Johanne heurta la vitre. Quand il se releva, Amalric jurait avec force. De l’immeuble qu’ils venaient de quitter s’échappait une fumée noire juste à l’étage du bureau de Jean-Loup. La bombe avait été parfaitement ciblée, seule la pièce concernée était détruite.

     « Ce fils de pute de Montjoie ! Je savais que c’était un traître ! Il avait piégé son bureau. Nous ne trouverons rien. Salopard de rebelle ! Je me chargerai de son cas plus tard… »

      Il sortit son comlink et passa plusieurs communications avant de s’engouffrer à son tour dans l’aéroglisseur.

    - En route pour le palais de l’Union ! lança-t-il au chauffeur qui démarrait. Ma petite Johanne, tu as obtenu une audience avec le premier ministre de l’Union. Il voudrait s’entretenir avec toi.

      Johanne sursauta. Stanford Rayan ? Elle ne l’avait jamais rencontré ! Qu’avait-il à lui dire ?

    - Et si moi, je ne souhaite pas rencontrer ce monsieur ? rétorqua-t-elle, cherchant à lui résister malgré son angoisse.

    - Comme si tu avais le choix, mignonne. Pas mal au fait, tes cheveux argentés… Ça te donne un genre intéressant. Mais je te préfère en rouquine. Quand tu nous auras révélé tous tes petits secrets, ainsi que ceux de ta révolution, je te ferai reprendre ta couleur initiale. Tu seras si belle, dans la cage de ma chambre. Quel plaisir je vais avoir à te mater !

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       Amalric souriait en évoquant cette éventualité. Johanne ferma les yeux. Logiquement, Don, Camille et Wendy avaient dû recevoir son message. La route de la Terre n’était pas perdue. Il fallait juste qu’elle résiste aux interrogatoires, quitte à en mourir.

      Il la poussa sans ménagement lorsque le véhicule se fut arrêté dans la grande cour carrée du bâtiment qui abritait les hauts dignitaires de l’Union. Il s’agissait en fait d’une réplique exacte du palais de Versailles, de l’ancienne Terre.

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    Crédits: The Palace of Versailles by haifen sur Mod the Sims 

    Solidement retenue par le bras, Johanne traversa la grande galerie des Glaces aux côtés du colonel, avant de parvenir à ce qu’Amalric appela le salon de Mars. Là, le premier ministre les attendait, tremblant de colère. Johanne frissonna en découvrant le regard impitoyable de l’homme qui avait floué Donatien de son héritage…

    - Amalric ! Pourquoi êtes-vous passés par devant ? Je vous avais dit que cette entrevue devait être secrète ! Emmenez cette fille dans mon bureau, immédiatement !

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    - Bien, monsieur Rayan.

    - Sûrement pas ! »

      Une porte claqua dans leur dos. Johanne sursauta en entendant la voix coupante qui figea les deux hommes.

    « Stanford, qui est donc cette fille que vous voulez me cacher ?

    - Rien d’important, Lutham. Une pétasse qui a voulu se moquer de Jared…

    - Vous mentez fort mal pour une fois, Stan. Votre fils est tout à fait apte à s’occuper lui-même de ce genre de problèmes. C’est même son passe-temps favori. Ne serait-ce pas plutôt la fille d’Altaïr ? »

      Le premier ministre blêmit.

    « Vos conversations sont sur écoute, Rayan. Nous réglerons ça plus tard, croyez-moi. Colonel Amalric, cette demoiselle va avoir une audience avec moi. Amenez-la. Rayan, retournez donc vous occuper de la traque des révolutionnaires ! »

      Rayan crispa les poings de rage mais le regard de Lutham Calv le dissuada de protester. Il baissa les yeux et Amalric suivit le chef suprême de l’Union jusqu’à son bureau.

      Ils pénétrèrent dans une grande pièce aux murs et aux plafonds couverts de pourpre et d’or. Les appareils électroniques qui recouvraient un pan de murs semblaient très anachroniques dans ce décor Louis XIV. Calv congédia de la tête ses deux gardes du corps et prit place derrière un bureau en bois verni. C’était un homme fort âgé, mais l’acuité de son regard transperça la jeune femme.

    - Asseyez-vous donc, colonel Amalric. Je vous félicite de l’avoir enfin retrouvée, ainsi que d’avoir démasqué Montjoie. Vous aviez raison et moi tort. »

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      Johanne resta debout, devant le bureau. Elle regardait du coin de l’œil l’homme qui détenait tout pouvoir dans l’Union. Il y eut un long silence. Elle ne bougeait pas, ne voulant rien provoquer. Elle songea soudain à Donatien, qui lui avait demandé de ne pas quitter le Dragon sans le prévenir. Si elle avait la chance de se trouver de nouveau avec lui, elle pouvait être sûre qu’il ne la féliciterait pas. Comment avait-elle pu se laisser emporter à revenir sur Sobolev ?

    - Ainsi donc te voilà, Johanne Dorval Paresc !

      La jeune femme ne put réprimer un tressaillement lorsque la voix claqua dans l’air.

    - Tu as eu de la chance, jeune fille ! Beaucoup trop de chance ! Parvenir à libérer Altaïr, alors que personne n’imaginait qu’elle puisse encore être vivante. Profiter de ton exil sur l’enfer de la planète grise pour rencontrer Donatien Fox, le fils de Véga, toi, la fille d’Altaïr. Réussir à quitter ce lieu d’où l’on ne doit, en principe, pas revenir… »

      Johanne écarquilla les yeux. Comment pouvait-il savoir pour Don ? Amalric éclata de rire.

    - Tu te demandes comment nous savons ? Votre passage en force, lors de ta sortie de l’atmosphère de la planète grise a été repéré. Nous sommes allés mener une petite enquête. Un certain Wolf nous a de très mauvaise grâce, d’ailleurs, raconté tout ce qu’il avait vu. Il t’en voulait à mort, à cause de toi, son gang avait volé en éclats. Mais cet ennemi-là ne te menace plus, il en savait trop, nous l’avons exécuté.

    - Il a aussi avoué quelque chose de fascinant ! compléta Calv. L’homme qui t’a tirée de là s’appelle Donatien Fox-Genery. Le fils de Véga déporté là-bas, il y a des années par mon premier ministre. Où est-il désormais ?

      Johanne haussa les épaules.

    - Vous n’imaginez tout de même pas que je vais vous répondre, si ?

    - Ce n’est pas une question d’imagination, mais de temps. C’est juste toi qui décidera combien de temps cela prendra. Et quelle douleur tu te sens capable d’encaisser. »

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       Il y eut un long silence que seule la respiration saccadée de Johanne troublait. Le regard de Calv était impénétrable. Elle avait déjà vu ce sourire quelque part.

    « J’éprouverai beaucoup de plaisir si tu nous révélais immédiatement où se cachent désormais Wendy Paresc, alias Altaïr, ta mère, et Donatien Fox, le fils de Véga. » reprit Lutham Calv d’une voix de plus en plus douce. « Je n’aime pas vraiment les méthodes du colonel, malgré leur efficacité. »

      Elle serra les mâchoires, obstinément muette. Dans son dos, elle devinait l’amusement d’Amalric.

    - Sache que l’intérêt que je porte à ces deux personnes est différent. Wendy Paresc met par sa réapparition même, la stabilité de l’Union en danger. Tu peux le comprendre sans difficulté. Par contre, Fox représente pour moi un autre enjeu. Il a réussi à s’évader de la planète grise à deux reprises. Un tel homme a sa place à mes côtés. Je veux lui proposer une amnistie. Ne le laisse pas passer à côté d’une telle chance !

    - Vous imaginez que je vais me laisser prendre à un piège aussi grossier ? s’exclama-t-elle en regardant le chef de l’Union dans les yeux. Vous me prenez pour une imbécile ! Je peux répondre pour lui à cette offre inconcevable. Tant qu’il lui restera un souffle de vie, il se battra contre vous, contre la tyrannie de l’Union ! Savez-vous combien de personnes à qui il tenait vous avez détruit ? »

      Calv eut un léger sourire.

    « C’est rafraîchissant, quelqu’un qui ose me tenir tête ainsi. Cela faisait si longtemps… Tu me rappelles ma fille… Tu es sûre de ta réponse ?

    - Réfléchis, Johanne ! fit doucement Amalric, une lueur inquiétante au fond du regard.

    - C’est tout réfléchi ! Je ne trahirai pas ma mère, ni Don ! »

      Elle ferma les yeux, dans l’attente du coup qui ne tarderait sûrement pas. Ce faisant, elle ne vit pas le sourire entendu du colonel qui fit un geste vers Lutham Calv semblant signifier « Je vous l’avais bien dit ! »

    - Je vous laisse faire, colonel Amalric. Mais ne la détruisez pas complètement. J’aurai besoin d’elle plus tard, pour circonvenir Fox quand nous le tiendrons aussi. »

      Amalric se leva et fit craquer les jointures de ses mains.

     - Tu fais la mauvaise tête, n’est-ce pas ? Mais je pense que je vais parvenir à te délier la langue, ma petite Johanne. Tu es sûre de ne pas vouloir répondre aux interrogations polies de monsieur Calv ? Tant pis pour toi ! »

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    Suite du chapitre 12


  • Commentaires

    1
    Jeudi 28 Novembre 2013 à 23:43

    Mais quelle raclure ce type... Il va encore la torturer >.<

    2
    Jeudi 8 Mai 2014 à 10:15

    Altaïr est la fille de Lutham... shocked Sinon, je me demande pourquoi tu aurais inséré cette anecdote insignifiante dans le dialogue. Et je connais un peu tes histoires pour savoir que tu aimes insérer des liens familiaux insoupçonnés.

    Ou peut-être que je divague ^^

    3
    Jeudi 8 Mai 2014 à 11:24

    Trop forte Sucrée!!! Ou pas!

     

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