•   Comme prévu, l’organisation de la mission avait posé pas mal de problèmes diplomatiques entre les cinq différentes factions de la révolution. Arkab et Sham avaient dû user de toute leur influence pour faire accepter des compromis de part et d’autre. Donatien rejoignit tard son vaisseau, anxieux.

    « Les tests que vous avez lancés se sont terminés il y plusieurs heures. » confirma Galois.

      Sham se pencha hâtivement sur son ordinateur médical. Lorsque le résultat qu’il attendait apparut sur l’écran. Il s’assit brusquement, se prit la tête entre les mains. Lutham Calv ne lui avait pas menti, ils étaient vraiment du même sang.

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     Le révolutionnaire Sham n’était autre que le petit-fils de son pire ennemi, le chef incontesté de l’Union qu’il combattait depuis quinze ans. Il songea soudain à ce que ça impliquait vraiment. Il eut l’impression que son cœur était pris dans un étau. Il était impossible qu’il reste à son poste comme si de rien n’était. Si l’on venait à découvrir ce terrible secret, que penserait-on de lui ? Il avait consacré toute sa vie à cette cause… Et Johanne ? Toute la scène qui les avait opposés lui revint brusquement en mémoire : sa violence, ses paroles odieuses et le pire, il avait failli la frapper.

    « Je deviens fou ! » gémit-il.

      Le plus détestable à son avis, c’est qu’il avait rendu la jeune femme responsable de ce qu’il avait découvert. Sa colère venait en grande partie de là. Il ferma les yeux en se remémorant son air désespéré… Rien ne serait plus pareil. Elle ne lui pardonnerait jamais. Il regarda de nouveau l’écran, les poings crispés. Son devoir était de démissionner, et il l’accomplirait, quoi que ça puisse lui coûter. Il n'avait pas tué Calv. Il assumerait son erreur.

      Le lendemain, il arriva le dernier dans la petite salle de conférence. Les cinq chefs de section de la résistance étaient déjà installés autour de la table pour signer le protocole d’accord. Wendy avait pris place à côté de son mari et de Camille.

    - Enfin, commandant Sham ! s’exclama Phylia Hardt. Nous vous attendions pour commencer ! Auriez-vous eu une panne d’oreiller ?

      Donatien s’avança. Sous son masque noir, sa pâleur extrême ne se voyait pas. Il remarqua juste le regard noir que Wendy lui lança.

    - Meg, Phylia, Général Stens, Amiral Lucchese, Jean-Loup, je sollicite la permission de faire une déclaration avant que nous passions à l’objet de cette réunion.

      Les cinq chefs échangèrent un coup d’œil étonné et Phylia hocha la tête. « Allez-y, commandant Sham, mais ne soyez pas trop long ! »

    - Je vous remercie.

      Donatien s’avança. Il enleva son masque et le posa devant lui. Des murmures étonnés s’élevèrent. A part Camille et Jean-Loup, aucun membre de la révolution n’avait jamais vu son visage.

    - Si j’accomplis ce geste maintenant, commença-t-il, c’est parce qu’un événement inattendu m’oblige à remettre mon sort entre vos mains. Il y a moins de deux jours, j’étais sur Sobolev. Pour libérer la fille de Jean-Loup, j’ai été forcé de m’introduire dans le palais de l’Union. Je me suis retrouvé face à Lutham Calv. C’est ce qu’il m’a révélé qui cause ma honte. Je ne suis pas digne de votre confiance.

      Wendy sursauta. Elle comprit.

    « Je suis son petit-fils. Je suis le fils de Moïra Genery, alias Vega. Et Vega était sa fille. Jusqu’à hier soir, je ne voulais pas le croire. J’avais fait un prélèvement sanguin sur Lutham Calv et nos ADN correspondent. L’ordinateur ne peut se tromper. Je n'ai pas pu le tuer alors qu'il constitue une cible prioritaire pour nous. Je sais ce que vous pensez et vous avez raison. Il serait indigne que j’occupe le grade élevé qui est le mien. Je m’en remets à vous pour être jugé. »

      Un silence de mort s’abattit sur la grande salle de conférence. Nul n’osa prononcer un mot. Aucun des quatre chefs ne connaissait l’identité du commandant Sham. C’était la première fois qu’ils le voyaient à visage découvert. Seul Camille savait qu’il était le fils de Vega. Malgré cela, il considérait son ami avec stupéfaction. Donatien baissa la tête. Il déposa sur la table son blaster et tendit ses poignets.

    « Je me constitue prisonnier. »

      Wendy comprit soudain les causes de la violence que le jeune homme avait laissé échapper la veille. Le voir, ainsi, comme un accusé, avec personne qui disait mot, lui brisa le cœur. Jean-Loup lui avait raconté son histoire. Elle se doutait de ce qu’il devait souffrir, alors que, comme elle, il avait tout donné pour ce combat. Soudain, la voix rauque du général Stens s’éleva.

    - Vous divaguez, commandant Sham ?

      Donatien sursauta.

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    - Il n’y a plus de commandant Sham ! rétorqua-t-il. Seulement le descendant de Lutham Calv !

    - Le fils de Vega ! corrigea Phylia. Je connaissais les liens qui liaient Vega à Calv.

    - Moi aussi ! continua Altaïr. Je sais que Vega est morte parce qu’elle n’a jamais pu tuer l’homme qui lui avait donné la vie.

    - Vous êtes membre actif de notre lutte armée depuis plus de quinze ans ! reprit Phylia. Il est vrai que vos paroles nous ont choqués, mais c’est une question de surprise et non de dégoût ! Nous étions nombreux à ignorer que vous être le fils de Moïra. Votre volonté et votre courage ne nous ont jamais fait défaut ! Vous avez tout donné à notre cause ! Pourquoi est-ce que nous vous retirerions notre confiance ? Pourquoi voulez-vous partir, commandant Genery ? Car c’est ce nom que vous devez porter ! Celui de votre père! Nous avons besoin de vous ! Vous devez rester !

      Un murmure d’approbation s’éleva.

    - Mais, ce n’est pas possible…

    - Arrêtez vos conneries, commandant Genery ! coupa le général Stens. Nous n’avons pas de temps à perdre en considérations généalogiques ! Tuer Calv ne changerait rien, Rayan est aux aguets pour lui prendre le pouvoir. La vraie question c'est de savoir si vous, vous voulez continuer avec nous.

    - Évidemment !

    - Alors on se remet au travail, commandant. Tout le monde est d’accord avec moi ?

      Personne ne le contredit.

    - Parfait, passons à ce qui nous réunit maintenant ! Commandant Arkab ?

      Camille se leva et prit la parole pour exposer le plan qu’ils avaient mis au point, tandis que Donatien regagnait sa place, essayant de calmer les battements effrénés de son cœur.

      Lorsque Camille eut fini d’exposer leur projet de mission, le général Stens se leva.

    - Côté logistique, tout est parfait. Restent deux problèmes. D’abord, l’équipe scientifique. Je suppose que Jean-Loup et Johanne en font partie… Wendy aussi.

      Camille intervint.

    - Général Stens ? Je propose que miss Myryan fasse aussi partie de l’équipe.

    - Miss Myryan ?

    - Elle a beaucoup aidé Johanne  lors du décrytptage des documents sur la Flotte Royale…

      Meg Tsaryn éclata de rire.

    - Commandant Arkab, je vois que l’idée d’être séparé de votre amie vous est insupportable.

      Camille devint écarlate.

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    - Elle sera chargée de tout ce qui est prise de son et d’images tridi ! continua-t-elle. Je sais qu’elle s’y connaît, nous en avons parlé hier. Ne rougissez pas, commandant !

    - Ensuite, il faut un chef à cette mission ! enchaîna Phylia, amusée. Je pense que ce poste vous convient parfaitement, commandant Genery ?

    - Euh… Oui, mais…

    - Vous n’avez pas d’objections à faire ! Commandant Arkab, vous serez le commandant en second. Le départ de cette expédition se fera dans un mois. Tous les membres seront alors arrivés à bord de ce grand vaisseau.

      Dès que les deux chefs donnèrent le signal du départ, Donatien s’éclipsa aussitôt suivi par Wendy.

    - Don, attendez-moi !

      Il se retourna, baissant les yeux en reconnaissant Altaïr.

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    - Wendy… Je suis vraiment désolé de ce qui s’est passé hier…

    - Ce n’est pas de ça dont je veux vous parler. Je voulais vous dire… Jean-Loup et Camille n’ont pas pensé à me dire que vous étiez le fils de Moïra. Vous ne devez pas avoir honte de ce que vous êtes ! Vous… Votre mère était ma meilleure amie. Vous lui ressemblez tant.

    - Pourquoi me dites-vous ça ? murmura-t-il.

    - Parce que je vois que vous souffrez, Donatien. Je comprends votre colère. Vous n’avez jamais su qui vous étiez vraiment, et la réalité ne vous enchante pas.

    - La réalité…

    - La réalité c’est que vous êtes le digne fils de vos parents !

    - Non ! La réalité, c’est que je n’ai jamais connu mes parents. Et que je n’ai pas été capable de descendre Calv. »

      Il se détourna et Wendy le regarda s’éloigner d’un pas lourd. Elle frémit en voyant apparaître Johanne au bout du couloir. Donatien l’aperçut aussi mais il continua de marcher, en baissant la tête. La jeune femme ne bougea pas, le laissant s’éloigner.

    - Johanne… murmura Wendy.

      La jeune femme secoua la tête en regardant sa mère. Ses poings étaient crispés. Dans sa tête, les idées tourbillonnaient. Chagrin. Déception. Colère.

    - Je-ne-veux-pas-en-parler ! rétorqua-t-elle, les dents serrées. Jamais. »

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    Suite du chapitre 14


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      Le long trajet de la mission vers l’emplacement hypothétique de la planète Terre, berceau de l’humanité, devait prendre quatre mois. Pour ne pas imposer un si long séjour dans un espace clos, les cinquante humains qui composaient l’équipage avaient été mis en léthargie magnétique dans des capsules de survie. Toutes les semaines, le chef de l’expédition était réveillé par le pilote automatique du Dragon pour vérifier si tout se passait bien. Au moindre problème, c’était lui qui devait être le premier tiré de sa léthargie. Mais rien d’anormal ne se passa et la plupart du temps, Don se contentait de faire le tour du vaisseau avant de regagner sa capsule d’hibernation. Pourtant, à plusieurs reprises, il ne put s’empêcher de passer de longs moments à observer Johanne à travers sa capsule. Les quelques jours qui avaient précédé le départ avaient été terribles pour lui. Les seuls mots qu’elle avait daignés lui adresser concernaient la mission. Dès qu’il essayait d’aborder un autre sujet, le regard vert devenait presque noir et elle s’éloignait invariablement.

      Enfin, deux cents jours après leur départ, le Dragon de feu ralentit sa course en dépassant les plus grosses planètes du système solaire. Tout l’équipage avait été réveillé et les cinquante membres de l’équipage admiraient la splendeur du spectacle par la grande baie de la salle de contrôle.

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    L’appareil contourna Mars et la petite planète bleue apparut au loin, se rapprochant de plus en plus. Une grande émotion s’empara de tous. La Terre existait toujours ! Ce n’était pas une légende. Tout le monde se mit à s’embrasser et des cris de joie s’élevèrent. Pourtant, Don reprit rapidement ses esprits.

    - Holà ! Calmez-vous ! cria-t-il. Ne crions pas victoire trop vite ! Tout reste encore à faire ! Il nous faut atterrir et voir si nous pouvons retrouver la Flotte. Ceci risque de dépendre de la bonne volonté des habitants de la Terre.

    - Comment allons-nous procéder ? lança Wendy. Je ne pense pas qu’il soit opportun de tous débarquer en même temps !

    - Certes non ! approuva Camille.

    - Dans tous les cas, nous ne serons à portée de la Terre que demain. intervint Jean-Loup.

    - Nous déciderons alors qui débarquera ! conclut Donatien.

      Durant sa nuit artificielle, le Dragon vint se placer en orbite autour de la Terre. Soudain, la voix métallique du pilote automatique s’éleva dans la salle de contrôle. Donatien qui sommeillait sursauta.

    - Commandant Genery ! Je viens de capter un message radio qui nous est adressé.

    - Un message radio ! Attends ! Je préviens Jean-Loup et Camille !

      Réveillés par l’interphone, Jean-Loup et Wendy arrivèrent en courant, suivis par Camille.

    - Que se passe-t-il ?

    - Le Dragon dit qu’il a reçu un message, il y a quelques secondes… Peux-tu nous le passer ?

    - Bien sûr commandant Genery.

      Une voix étrangement chantante s’éleva dans la pièce.

      « Soyez les bienvenus sur la Terre, étrangers, si vous avez des intentions pacifiques ! Voilà fort longtemps que personne n’a utilisé le chemin des étoiles. Nous croyions que ce n’était qu’une légende. Le prince de Lynde serait très heureux de vous rencontrer. Viendrez-vous ? »

    - Bon sang ! Ils parlent la même langue que nous ! s’étonna Wendy.

    - Et manifestement ce prince attend une réponse ! Dragon ? As-tu la fréquence ?

    - Bien sûr, commandant Genery ! Je la mémorise sur votre comlink. Allez-y !

    - Nous sommes très heureux de constater qu’il y a encore des êtres vivants sur cette planète que nous considérions aussi comme une légende. Et nous serions enchantés d’accepter votre invitation. »

      La réponse fut cette fois quasiment immédiate.

    - J’en suis fort ravi ! s’exclama la voix. Je vous donne les coordonnées géographiques de l’endroit où vous pourrez atterrir. À très bientôt, amis venus d’ailleurs ! »

      Ils se regardèrent avec étonnement.

      Camille se décida enfin à parler.

    - À ton avis, combien doivent y aller ?

    - Je ne sais pas trop. On va réunir tout le monde dans la grande salle de conférence.

      Un quart d’heure plus tard, Donatien communiquait la nouvelle à son équipage. Un silence accueillit ses paroles.

    - J’attends donc votre opinion ! répéta Donatien.

    - Si tout le monde débarque, nous risquons d’inquiéter les autochtones. intervint Meg Tsaryn, qui avait une grande habitude de la diplomatie. Je pense qu’il serait bien que seulement un petit groupe rejoigne la Terre. Je propose que ce soit Wendy, Jean-Loup et Johanne. C’est peut-être cynique, mais une famille, c’est rassurant. Et vous, Donatien. Car c’est vous l’autorité. C’est un « prince » qui nous a contactés. Il ne faudrait quand même pas blesser une susceptibilité possible en n’envoyant pas le chef.

      Il hocha la tête.

    - Vous avez raison, Meg. Je pense que c’est la meilleure solution. Si tout se passe bien, vous pourrez tous venir. »

      Donatien confia le commandement du Dragon à Camille et monta à bord d’un petit vaisseau de liaison, où l’attendaient déjà Wendy, Jean-Loup et Johanne. Il poussa un soupir discret en considérant la jeune femme. Elle s’était maquillée avec soin. Si sa combinaison de n’avait rien de festif, elle n’en mettait que plus en valeur le charme de Johanne. Il songea qu’il n’arriverait jamais à l’oublier si elle était si proche de lui.

      En silence, il pilota le vaisseau dans les couches supérieures de l’atmosphère, ralentissant au maximum la vitesse de l’appareil. A vue, il découvrit l’immense plaine circulaire déserte, entourée de forêts épaisses. Quelques bâtiments s’élevaient à la limite de la verdure.

    - Ça doit être là, leur astroport ! souffla-t-il.

    - Nous sommes approximativement au dessus de l’Afrique ! constata Wendy. Non, plutôt vers le Proche Orient… Les contours des côtes de la région ont changé par rapport à nos documents mais cela me semble être la Syrie.

      Un voyant vert s’alluma. Johanne appuya sur le bouton correspondant.

    « Voyageurs inconnus, posez-vous sur la plaine ! »

      La voix était différente de celle du message, plus froide.

    - Avant, nous devons vérifier si votre air est respirable ! rétorqua Jean-Loup

    - Il l’était pour vos prédécesseurs, mais faites vos vérifications, nous vous attendons. »

      Wendy observait les résultats transmis par les capteurs du Dragon.

    « Azote 80%, oxygène 19%, traces de CO2… Totalement respirable ! On peut y aller, Don ! »

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    Suite du chapitre 14


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  •   Le petit vaisseau descendit doucement et se posa sur la piste indiquée.

      Les quatre passagers quittèrent le cockpit de l’appareil. Ils firent quelques pas à l’extérieur et regardèrent dans la direction des constructions. Ils hésitaient sur la conduite à tenir lorsqu’enfin des silhouettes firent leur apparition.

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       Trois humains s’approchèrent d’eux, manifestement méfiants. Deux hommes et une femme s’inclinèrent à quatre reprises, en regardant tour à tour chacun des quatre ambassadeurs, qui les imitèrent.

    - Bonjour, étrangers ! lança le premier. Comprenez-vous notre langue ?

    - Apparemment elle présente peu de variation avec la nôtre. Bonjour à vous ! répondit Don.

    - Possédez-vous des armes ? demanda la femme.

      Donatien porta la main à sa ceinture et sans geste brusque, il sortit son blaster pour le leur montrer.

    - Oui. Mais nous ne venons pas pour nous battre. Elles ne sont là que pour nous défendre. Souhaitez-vous les prendre ?

      Le troisième homme s’approcha et observa l’objet.

    - Gardez-les, mais sachez, que lorsque vous serez en présence du Prince ou des autres habitants de la cité, le moindre mouvement que vous ferez vers cette chose provoquera une riposte. Vous serez morts avant d’avoir pu blesser le souverain.

      La menace à peine voilée inquiéta les quatre ambassadeurs. Wendy intervint, inquiète.

    - Nous sommes venus ici en paix, et non pour convoiter un royaume dont nous ignorions jusqu’à l’existence il y a à peine un jour ! dit-elle. Un message nous a été envoyé, de la part du Prince de Lynde. C’est pour nous rendre à cette invitation que nous sommes ici.

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       L’homme dont la peau était presque aussi foncée que celle de Syndël sourit amicalement.

    - Ne prenez pas ombrage de nos paroles, étrangers. Vous devez connaître notre règle fondamentale : aucun être humain ne menace l’un des siens avec une arme sous peine de mort. Et personne n’a jamais été exécuté depuis notre grand retour. Mais venez. Le Prince de Lynde vous attend impatiemment dans sa demeure.

      Ils suivirent leur trois guides derrière le bâtiment, qui leur révéla un étrange tube de verre qui semblait s’enfoncer dans la forêt. Un escalier roulant silencieux les amena auprès du tube dans lequel un véhicule aux parois transparentes semblait les attendre.

    - Montez !

      Ils s’installèrent sur les banquettes de velours sombre et leurs guides prirent place auprès d’eux.

      Dès que le dernier fut assis, la navette se mit en mouvement, sans faire le moindre bruit, glissant à grande vitesse à l’intérieur du tube. Fascinée, Johanne regardait défiler devant elle la végétation luxuriante de la forêt. Wendy, curieuse commença à interroger les trois Terriens.

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    - Excusez-moi ? D’après les coordonnées que nous avons, nous devrions nous trouver en plein au milieu du Proche Orient… N’était-ce pas désertique ?

    - Si, mais il y a de cela des millions d’années ! Cela date d’avant le retour en arrière.

    - Le retour en arrière ? s’étonna Jean-Loup. De quoi s’agit-il ?

    - Une régression terrible provoquée par la folie des hommes. Cela s’est produit après le départ pour le cosmos de tous les gens volontaires pour quitter la Terre menacée de surpopulation. Mais le Prince vous en parlera sans doute mieux que moi. Ah ! Nous arrivons.

      En effet, la navette venait de s’immobiliser dans le tube transparent, et une porte coulissa. Suivant leurs guides, ils rejoignirent la terre ferme grâce à un ascenseur magnétique et ce qu’ils virent les étonna profondément.

    - Mon Dieu ! souffla Wendy.

      Ils se trouvaient dans une ville construite à l’intérieur même de la forêt tropicale. De grosses sphères transparentes semblaient greffées sur les troncs de certains des arbres gigantesques. Aucun véhicule n’apparaissait. Les gens semblaient ne se déplacer qu’à pied. La cité semblait en parfaite osmose avec la nature.

    - C'est ici ! Le Prince vous attend là-haut. Au revoir!

      Ils les invitèrent à entrer dans un ascenseur de verre accolé à un des arbres pour rejoindre une des grandes sphères. Le Prince vint les accueillir chaleureusement à leur arrivée.

    - Enfin vous voilà ! lança-t-il avec un grand sourire. Je vous attendais avec tant d’impatience !

      C’est un homme à la peau brune, presque aussi grand que Donatien. Ses yeux verts scintillaient de joie sincère et trahissaient sa jeunesse. Il s’inclina courtoisement devant les deux femmes.

    - Je suis Argail Daven, prince de Lynde pour encore un an et demi.

      Donatien prit l’initiative de présenter ses amis.

    - Nous sommes enchantés de vous rencontrer, Prince de Lynde. Voici Jean-Loup, Wendy et Johanne Montjoie. Je suis le commandant Donatien Genery.

    - Je vous en prie, appelez-moi Argail. Nous ne faisons pas de cérémonies. Il est inutile d’utiliser un titre pompeux que je perdrais à la fin de mon mandat ! Vous me permettrez d’excuser l’absence de ma femme Arkane qui n'a pas fini sa journée de travail. Elle nous rejoindra dans un moment.

      Ils suivirent leur hôte dans son salon où ils s'installèrent, fascinés par la vue sur la cité forestière.

    - Alors ? D’où venez-vous ? attaqua tout de suite le prince.

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     - D’une galaxie située à cinq millions d’années-lumière… répondit Jean-Loup. Le visage du prince s’éclaira.

    - Vous avez retrouvé le passage de Majan Valinë, alors ! Vous êtes venus seulement quatre ?

    - Non, répondit Johanne. Nous sommes cinquante mais les autres sont restés à bord de notre vaisseau.

    - Et je suppose que vous êtes ici par hasard ? Nous nous sommes souvent demandés pourquoi les Terriens exilés n’avaient plus repris le passage depuis cinq cents ans. Que s’est-il passé ?

    - De grands bouleversements politiques au sein de la galaxie. Après la mort du fils de Majan Valinë, la chute de son empire a entraîné plusieurs siècles de chaos. Les informations ont été perdues.

    - C’est tellement dommage. Je vois que vous n’avez pas réussi à abattre les anciens démons de l’Humanité…

    - Pas vraiment ! murmura Johanne. Notre galaxie est sous l’empire d’une dictature…

    - Et nous faisons partie d’une organisation de résistance, pour essayer d’instaurer une démocratie, ajouta Jean-Loup.

    - Vous êtes des révolutionnaires ! Mais alors, que faites-vous loin de votre combat ?

      Donatien hésita et ce fut Wendy qui prit la parole.

    - Notre mouvement est totalement impuissant face à l’Union. Notre puissance armée est quasiment inexistante. Notre seul espoir réside dans la légende de la Flotte de Majan Valinë. C’est pour cela que nous sommes ici.

    - La flotte de Majan Valinë ? s’étonna Argail.

    - On dit qu’il serait parti pour l’ancienne Terre avec une flotte de vaisseaux de guerre, expliqua Jean-Loup. Une cinquantaine de gigantesques croiseurs interstellaires, semblables à celui qui nous a menés ici. Nous devons les retrouver.

    - Vous êtes venus chercher des vaisseaux de guerre sur la Terre ? Je crains que votre tentative soit vouée à l’échec ! »

      Les visages des quatre visiteurs s’assombrirent.

    - Ne vous méprenez pas ! Personne ne vous mettra de bâtons dans les roues ! Mais vous devez d’abord connaître l’histoire de notre planète. Votre civilisation a été créée par tous ces humains, qui voyant que la Terre était trop peuplée, ont accepté de confier leur vie à des scientifiques, dans l’espoir de trouver une planète viable. Dix vaisseaux partirent, emportant un milliard d’êtres humains volontaires de tous les continents. Ceux qui sont restés ont dû faire face à de nombreux problèmes : pollution extrême, conflits incessants entre les nations, famines qui en découlent…Ce qui devait arriver arriva : les armes terribles que les hommes avaient fabriquées causèrent leur perte. Plusieurs bombes extrêmement puissantes explosèrent en différents points de la planète, détruisant quasiment toute la vie sur Terre. Vous ne pourriez même pas imaginer leur fonctionnement. Cela s’est passé au vingt-deuxième siècle selon la datation utilisée alors. Une centaine d’années après le départ de vos ancêtres.

    - Mon Dieu ! s’exclama Wendy. Mais, comment…

    - Comment reste-t-il encore des hommes ? Parce des gens sensés avaient prédits cette issue inexorable, il y eut des survivants. Des scientifiques avaient créé une base sur la Lune, à l’abri de toutes les armes imaginées par leurs confrères ou même eux. Ils y avaient installé une gigantesque base de données, mémoire de l’Humanité et une sorte d’arche de Noé, pour sauver aussi al biodiversité. Ce travail accompli depuis des années, et complété au fur et à mesure, ils décidèrent ensuite de sauver des hommes. Ceux qui les ont crus ont été mis en léthargie magnétique, système que vous devez sans doute connaître, dans cette gigantesque base située sur la face cachée de la Lune. Lors du grand cataclysme, environ cent cinquante mille êtres humains étaient en sécurité dans le “réservoir de vie”, comme on l’appelait. Des capteurs placés à l’extérieur devaient réveiller un petit groupe de ces survivants, lorsque la Terre serait redevenue viable.

    - Et ensuite ?

    - Ensuite, cinq millions d’années s’écoulèrent, avant que l’ordinateur ne prenne la décision de réveiller les hommes. Il y a en fait cinq cent cinquante ans de cela.

    - Dans quel état avez-vous retrouvé la Terre ?

    - Dans un bien meilleur état que celui dans lequel nous l’avions laissé. Car les bombes dont je vous ai parlé ne provoquent pas vraiment de dégâts matériels. Elles ne s’attaquent qu’aux formes de vie. Toute molécule vivante est simplement anéantie par leur rayon. Nous avons donc trouvé la Terre revenue à l’état sauvage. Toutes les traces de peuplement humain avaient été touchées. Il ne restait plus que des végétaux et des animaux qui avaient évolué. La seule trace qui restait des anciennes civilisations, c’était quelques fondations de la grande muraille de Chine. D’ailleurs la tectonique des plaques avait fait son œuvre : l’Australie avait presque rejoint le continent asiatique, faisant disparaître au passage l’Indonésie, certaines îles du Pacifique avaient sombré, d’autres archipels s’étaient créés, l’océan Atlantique était deux fois plus grand qu’auparavant… Une période glaciaire était passée par là.Les déserts étaient devenus tempérés.

    - Et l’homme s’est réimplanté à la surface.

    - Pas sans difficulté, mais sans conflit. Les survivants ont fondé d’abord une, puis deux, puis plusieurs petites villes ici, en Afrique, puis peu à peu, toutes les régions tempérées du globe ont été repeuplées. Un seul précepte a présidé la réinstallation : jamais plus une guerre ne devait se déclencher.Nous avons fait en sorte que cela ne soit plus possible. La taille des groupements de population est limitée. Il n’y a pas de chef, moi je ne suis prince, que parce que j’ai été choisi il y a six mois.Dans un an et demi, je rendrai mon titre et mon autorité.Quelqu’un d’autre prendra ma place.

    - Vous votez ?

    - Non. C’est un choix aléatoire parmi la population de la ville. N’importe qui âgé de plus de seize ans peut être choisi. Mais personne ne peut être réélu. Il y a un prince par cité. Vous avez sans doute compris qu’ici vous êtes dans la cité de Lynde. Plusieurs fois par an, les princes se réunissent, pour gérer les problèmes pratiques uniquement. Actuellement la population de la Terre est organisée en trente cités réparties sur la planète. Lynde était la première.

    - Mais qui gère les armées ?

      Argail sourit.

    - Sur Terre, il n’y a plus d’armée. Plus de bombes, de mines et autres joyeusetés dont l’existence est prouvée par les vidéos que contient la Grande Bibliothèque de la Terre. C’est pourquoi je vous affirmais que personne parmi nous ne pourrait vous aider dans cette quête.

    - Vous avez détruit toutes les armes ?

    - Nous en gardons le contrôle. Nous utilisons des paralyseurs magnétiques pour nous défendre d’attaques animales dans les espaces naturels. Pour repousser les animaux de nos villes, nous préférons user d’un champ répulsif. Les humains y sont rendus insensibles par le port d’un petit appareil qui permet de franchir les frontières de la cité.

      Johanne était fascinée par la forme de civilisation mise en place. Mais Don ramena la conversation sur leur préoccupation première.

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    - Savez-vous si la Flotte de Majan Valinë a été découverte, puis détruite ?

    - Non. Je puis vous assurer qu’elle n’a pas été détruite. Mais seulement parce que personne n’en connaissait l’existence.

    - Vous n’avez donc jamais entendu parler de cette Flotte ? répéta-t-il, atterré.

      Le prince secoua la tête, navré de la déception de son visiteur.

    - Je suis désolé.

      Johanne ferma les yeux, essayant de rassembler ses esprits. Une idée soudaine la fit sursauter.

    - Argail ? Pourriez-vous me rappeler depuis combien de temps les hommes sont revenus à la surface de la Terre ?

    - Exactement cinq cent cinquante-trois ans, huit mois, deux jours ! rétorqua-t-il.

      Wendy sourit en comprenant où sa fille voulait en venir.

    - Et Valinë ? Quand a-t-il trouvé le passage ?

      Les trois hommes échangèrent un regard surpris.

    - Cinq cent deux ans.

      Johanne et sa mère sourirent.

    - Je ne comprends pas! bougonna Jean-Loup. Vous trouvez ça drôle ?

      Johanne ignora l’interruption.

    - Argail, quelles parties de la Terre étaient colonisées lorsqu’il a débarqué ?

      Le visage du prince s’illumina.

    - Vous avez tout à fait raison, Johanne ! Seules les cités de Lynde, de Jerimadeth et d’Apia étaient construites… Nous n’occupions encore que le nord de l’Afrique !

      Donatien sursauta.

    - Mais alors, il est tout à fait possible que Majan Valinë ait dissimulé sa Flotte sur la planète, à l’insu de ses habitants !

      Argail hocha la tête.

    - Il faut absolument aller chercher immédiatement ! s’exclama Jean-Loup. Nous avons les coordonnées !

      Le prince leva les bras pour tempérer l’ardeur des deux hommes.

    - Avant, il vous faut obtenir un laissez-passer, pour que vous puissiez vous déplacer où vous le souhaiterez… Oh ! Mes amis, laissez-moi vous présenter Arkane, la lumière de ma vie !

    14 - 3

     

      Ils se levèrent tous pour saluer la jeune femme qui venait d’entrer. Ses cheveux blonds semblaient étinceler comme de l’or et sa robe légère soulignait la finesse de son corps. Jean-Loup et Don s’inclinèrent comme l’avait fait le prince devant Wendy et Johanne à leur arrivée, mais sans façon elle posa sur la joue de chacun un baiser sonore.

    - Je suis tellement contente que le passage ait enfin été rouvert ! s’exclama-t-elle. Je vous en prie, suivez-moi. Dès qu’Argail m’a prévenue, j’ai fait préparer un repas !

      Ils suivirent la jeune femme dans la pièce attenante et s’assirent autour de la table.

      Pendant que des mets inconnus mais délicieux étaient servis par un droïd, Arkane anima la conversation. Tout ce qui avait trait à leur civilisation lointaine la passionnait et elle posait questions sur questions. Pourtant, son regard observait attentivement tous les convives. Elle n’eut aucune difficulté à découvrir le malaise qui couvait entre deux de leurs invités.

      Johanne était aussi enthousiaste que leur hôtesse. L’idée de découvrir la fameuse bibliothèque, où toutes les connaissances de l’ancienne humanité avaient été conservées faisait briller ses yeux d’envie.

    - Je peux vous la faire visiter demain matin ! proposa Arkane. Restez donc avec nous cette nuit. J’avais réservé un box pour la matinée. Je vous montrerai tout !

    - Je reste bien volontiers ! s’exclama la jeune femme.

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    - Pas question ! trancha Donatien, d’un ton sec. Nous devons rejoindre notre vaisseau pour mettre au point l’expédition.

      Johanne tourna vers lui son regard orageux. Jean-Loup se hâta de prendre la parole avant que la dispute n’éclate.

    - Johanne a rempli sa tâche en ce qui concerne la Flotte, Don ! Elle a permis de la situer. Son aide ne nous est plus indispensable maintenant.

      Arkane et le prince observaient le commandant Genery avec étonnement et celui-ci céda.

    - C’est d’accord. Tu peux rester.

    - Comme c’est grand de ta part ! ironisa-t-elle.

      Wendy relança la conversation sur un autre sujet et l’escarmouche n’eut pas de suite.

      Lorsque ses parents furent partis en compagnie de Don et du prince qui avait tenu à les raccompagner, Johanne suivit son hôtesse dans sa chambre.

    - Comme c’est beau ! C’est féerique ! s’exclama-t-elle en s’approchant de la grande baie vitrée. La vue de la ville dans la forêt était un spectacle étonnant. Les maisons éclairées semblaient des décorations étincelantes dans des sapins de Noël.

    - Vous n’avez pas ça chez vous ? s’enquit Arkane.

    - Sur certaines planètes, il y a des forêts, mais les villes sont construites sur le sol, et au détriment des arbres. Il existe même une planète qui n’est qu’une seule et unique ville. Un gros bloc de béton…

    - Je vois… Nos ancêtres ont emmené avec eux leur non respect de la nature…

    - A mon grand regret, je vous assure !

      Arkane lui sourit.

    - Sinon tout est-il à votre convenance ?

    - Sans aucun doute ! s’exclama-t-elle. Ces derniers mois, j’ai rarement eu droit à un tel confort ! Il y a même un certain temps que je n’ai pas dormi sur le sol d’une planète !

    - Tant mieux ! Bonne nuit !

      La terrienne interrompit brusquement son mouvement de départ. Elle semblait gênée.

    - Johanne, je voudrai vous poser une question, sans doute indiscrète. Cela concerne le chef de votre expédition. Pourquoi ne voulait-il pas que vous restiez ?

      Johanne baissa les yeux, hésita et se décida à répondre.

    - Rassurez-vous, Arkane, ce n’est pas votre offre qui en est cause ! C’est une querelle entre nous… Et… Oh ! Après tout, je ne vois pas pourquoi je vous le cacherai ! Nous étions amants, mais j’ai pris des décisions contraires aux siennes concernant notre lutte. Sa réaction a été démesurée… Nous nous sommes fâchés. Enfin…

      Arkane sourit en regardant la jeune femme.

    - Querelle d’amoureux ? Cela va sans doute s’arranger ?

    - Je ne pense pas. »

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     Chapitre 15


     

     Salut tout le monde!

     

    Je ne suis pas morte, toujours pas! Mais je suis un peu tombée dans la marmite sims 3, et j'ai délaissé ma petite histoire... Mille excuses pour ce retard. J'espère que ce chapitre 14 vous aura plu.

    Merci beaucoup pour vos petits commentaires, ça fait toujours super plaisir, alors n'hésitez pas à me laisser un petit mot.

    Bises à tous!

    Koe

     

     

     


    5 commentaires



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