•   L’Union possédait deux bases spatiales militaires, situées sur la même orbite autour de la planète grise, mais diamétralement opposées. De là s’envolaient les petits chasseurs qui surveillaient l’atmosphère de la planète et empêchaient tout vaisseau inconnu de s’approcher. Simultanément, Don et Camille lancèrent leur attaque sur ces deux bases. Surpris, les soldats de l’Union n’eurent pas le temps de réagir, obligeant les commandants des deux stations à capituler. Tandis qu’une partie des commandos de la résistance se rendait maître des deux bases, l’autre partie, dirigée par Donatien, atterrissait sur la planète, sur l’ancien astroport. Une centaine de résistants armés descendit à la recherche des exilés. Donatien avait été très précis. Il ne fallait pas faire usage des armes, sauf si une vie était mise en danger.

      Très vite, attirés par l’arrivée du croiseur, des groupes d’exilés vinrent observer ce qui se passait, sans pour autant oser s’approcher. Donatien reconnut avec étonnement le seul qui osa venir à portée de tir.

    - Ça alors ! L’homme du gang de Wolf !

      Il enleva son casque et l’autre sursauta en le reconnaissant à son tour.

    - Don Fox ! Je ne rêve pas ? Quelle mouche t’a piqué de revenir sur cette planète pourrie ?

    - Tu t’es débarrassé de Wolf ?

      L’homme hocha la tête, avec un petit sourire.

    - Grâce à ta copine et toi. Si vous n'étiez pas venu mettre la pagaille dans le gang, je n'aurais pas pu m'échapper. Après tout, c’était un ancien commando. Le groupe s'est autodétruit, les meneurs se sont plus ou moins entretués pour le pouvoir après la défaite de Wolf. L'Union est intervenue rapidement, a interrogé tout le monde sur votre évasion avant de les exécuter. Je m'étais enfui dans ta grotte avant la fin de la bagarre générale, j'ai tout vu de loin…

    - Commandant Fox-Genery ? Nous sommes pressés !

      À côté d’eux, un des lieutenants s’éclaircissait la gorge. Donatien sursauta, revenant à la réalité.

    - C'est quoi ton nom ?

    - Mark Drake.

    - OK Mark. La résistance vient de prendre possession de cette planète. Tu me connais peut-être sous le pseudo de Sham…

    - Nom de Dieu ! Tu es le commandant Sham ? Embauche-moi ! Je suis pilote ! Je suis un as du combat spatial ! Le meilleur tireur de la galaxie ! Si tu me fais quitter cette planète pourrie, mon gars, je te vouerai une reconnaissance éternelle…

      Donatien ébaucha un sourire amusé.

    - T’emballe pas ! Tu m’as l’air d’être aussi le plus hâbleur du coin ! Nous sommes ici pour libérer tout le monde et pour recruter des combattants. Nous avons du matériel, mais sans doute pas assez de pilotes. Voilà ce que nous offrons. Ceux qui acceptent de venir nous aider sont les bienvenus. S’ils ont vraiment commis un délit, ils seront amnistiés. Quant aux autres, après que nous aurons réussi à renverser le gouvernement de Lutham Calv, je leur promets un véritable procès : ceux qui ont été exilés pour raisons politiques seront libérés. Les autres seront jugés, en tenant compte dans la peine du temps déjà passé sur cette planète pourrie, comme tu dis.

    - Le choix que tu proposes est honnête. acquiesça Mark. Compte sur moi, Sham. Et je n’ai pas besoin d’amnistie. Neuf ans dans ce trou pour de la contrebande d'alcool, je trouve que c’est déjà cher payé !

      Il tendit la main avec un sourire franc et Don la serra.

    - Je voudrais que tu ailles transmettre mon message à tes amis, qui ne semblent pas rassurés.

    - Pas rassurés ? Tu peux même dire qu’ils sont terrorisés, mon gars ! Ils croient que l’Union a décidé d’éliminer tout le monde ! Ils vous prennent pour des “nettoyeurs” d’élite !

    - Va les rassurer… Non ! J'ai une dernière question ! Il y a environ quinze jours, une femme a été envoyée sur cette planète, une résistante… Elle ne serait pas tombée dans ton secteur, par hasard ?

    - Tu parles de Phylia ?

    - Elle est vivante ? s’exclama Don, plein d’espoir.

      Mark hocha la tête.

    - Oui, mais dans un sale état. Elle a été torturée, mon gars. Mais elle n’a pas parlé. Elle ne leur a rien dit. Seulement… Elle est complètement aveugle maintenant.

    - Où est-elle ?

    - Je l’ai installée dans ta grotte, avec une autre femme qui a été envoyée ici en même temps que Phylia parce qu’elle a refusé de participer à une des orgies de Stanford Rayan. Elle était pilote de chasse. Elle pourra être utile. On ferait sans doute une bonne équipe tous les deux !

    - Lieutenant Steinhaus ? Pourriez-vous sortir un des petits survoleurs ? Mark, va raconter mon offre aux autres, dis-leur de faire passer le message et reviens ! On va les chercher.

      Quelques instants plus tard les deux hommes s’installèrent à bord du petit aéronef qui s’envola vers la grotte.

    - Micaëla ! C’est moi ! C’est Mark ! On est sauvés !

      Une jeune femme brune sortit de la grotte, surprise et étouffa un cri en découvrant le survoleur. Donatien se précipita à l’intérieur de la grotte, vers la forme allongée sur le sol.

    - Oh, Phylia !

      Don tomba à genoux auprès de la résistante. Celle-ci tendit la main et rencontra celle de l’homme qui la serra doucement.

    - Cette voix ?… Je ne rêve pas ? Commandant Fox-Genery ? Est-ce vous ?

    - C’est bien moi, Phylia. Je suis venu pour vous emmener. On va vous soigner.

      Il ne put retenir ses larmes, en voyant ce que les tortionnaires de l’Union avaient fait. Lorsqu’ils étaient partis pour la Terre, Phylia Hardt paraissait tout juste quarante ans, alors qu’elle en avait près de soixante. Mais maintenant… Ses cheveux tous blancs, son visage meurtri, ses yeux vides…

    - Je vous entends penser, Don ! Par pitié, ne pleurez pas sur moi, cela m’est insupportable !

    - Pardonnez-moi, Phylia. Vous n’auriez pas dû avoir à subir ça. Mais s’ils ont affaibli votre corps, votre esprit est intact.

    - Bien sûr ! Je n’ai jamais craqué, Donatien. Ce qui m’a soutenu, c’était l’espoir que vous représentiez. Vous êtes revenu de votre voyage…

    Donatien comprit.

    - Nous avons réussi notre mission, Phylia. La Flotte de Majan Valinë est à nous. Nous venons de conquérir la planète grise. Nous sommes potentiellement capable de vaincre l’Union.

    - Bravo ! J’avais raison de vous faire confiance !

    - Venez maintenant, je vais vous ramener au croiseur et les droïds médicaux vont vous remettre sur pied !

    - Dites plutôt qu’ils vont rafistoler ce qui peut encore l’être ! Et la petite Micaëla ? Elle s’occupe de moi depuis le début. Et l’homme qui nous a protégées, Mark ?

    - Je suis là, Phylia. murmura la jeune femme.

      Donatien se redressa et lui tendit la main.

    - Enchanté de vous rencontrer, Micaëla. Je suis le commandant Donatien Fox-Genery.

    - Mark vient de me dire que vous étiez Sham !

    - C’était juste un nom de guerre. Fox est le nom de mon père, Genery est celui de ma mère… Et c’est une longue histoire, que je n’ai pas le temps de vous raconter aujourd'hui !

    - Vous allez vraiment nous sortir de cet endroit ?

    - Si vous voulez en être persuadée, aidez-moi à installer Phylia dans le survoleur. Prenez place à côté d’elle avec Mark. Nous allons rejoindre le croiseur.

    Suite du chapitre 16


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  •   Pendant six mois, la guerre fit rage dans la galaxie. Les responsables militaires de l’Union Interstellaire avaient été pris de court par l’apparition de cette force militaire dont ils n’auraient jamais imaginé l’existence. Petit à petit la nouvelle se répandait : l’armée d’opposition gagnait du terrain. Les ralliements à la révolution se multipliaient. Quasiment la moitié des onze planètes habitées avait fait allégeance à la résistance et la progression continuait vers la planète centrale, Sobolev. L’état-major, le général Stens et Jean-Loup Montjoie en tête, jubilait devant le recul manifeste des troupes unionistes. Donatien, lui, avait cessé de réfléchir ou de se poser des questions. Il s’étourdissait dans les combats spatiaux. Il avait abandonné le commandement de son croiseur. Il préférait agir aux commandes de son propre chasseur, prenant des risques inconsidérés malgré les ordres de Phylia et de Wendy. C’était avec un désir de vaincre particulièrement fort de sa part que la planète Rhyway, la planète natale de Johanne et la sienne, avait été libérée.

    - Hey, Don ! Le général a annoncé la retraite. Nous avons gagné cette bataille !

    - Je n’ai rien entendu !

    - Mark a raison ! soutint Micaëla en sortant de la tourelle de tir. Stens vient de demander de rentrer ! Le gouverneur unioniste de Rhyway a capitulé ! Allez, on y va !

      Donatien jura et l’appareil fit brusquement demi-tour. Micaëla perdit l’équilibre et tomba dans les bras grands ouverts de Mark.

    - Espèce de brute ! jura-t-elle. Laisse-moi donc les commandes ! Tu es peut-être suicidaire, mais moi, j’ai envie de rentrer entière !

    - Je suis désolé, Mike ! soupira Donatien. Je vais essayer de faire attention.

      La jeune femme haussa les épaules et s’installa plus confortablement sur les genoux de son amant.

    - Mais qu’est-ce qu’il a enfin ? lui murmura-t-elle à l’oreille.

    - À mon avis, il a la même maladie que moi ! rétorqua Mark à haute voix, amusé. Il est amoureux. N’est-ce pas, Don ? Mais, s’il s’agit de la fille à laquelle je pense, alors il n’est pas au bout de ses peines…

    - Épargne-moi tes commentaires ! ragea Donatien et le chasseur fit une nouvelle embardée.

      Camille sortit des cales en grognant.

    - Donatien ! Calme-toi un peu ! Tu as déjà failli m’assommer trois fois !

    - La deuxième tourelle est opérationnelle ? s’enquit Mark.

    - On vérifiera ça demain. Bon Dieu, Don ! Tu ne pourrais pas t’arranger pour être d’aussi mauvaise humeur quand tu es tout seul ?

    - Fichez-moi la paix ! Je n’ai pas envie d’entendre vos récriminations !

      Le vaisseau fut secoué encore une fois par une accélération brutale. Camille haussa les épaules et échangea un regard avec les deux autres qui s’étonnèrent de tant de violence dans la voix du pilote. Lorsque l’appareil se posa dans les cales du croiseur, Donatien en descendit en trombe et disparut.

      Mark secoua la tête.

    - Je crois que nous allons devoir faire le rapport à sa place une fois de plus !

    - Vas-y, Mark ! Camille et moi on va rejoindre Syndël au mess.

    - Aurais-tu quelque chose à me demander, Mike ?

      La jeune femme hocha la tête.

    - Oui, à toi et à Syndël.

      Celle-ci poussa un soupir de soulagement et se jeta dans les bras de Camille lorsqu’ils pénétrèrent dans la grande cafétéria.

    - Tu es vivant ! Hé ! Mais tu as un sacré bleu !

    - Don était vraiment de très mauvaise humeur ! expliqua-t-il.

    - Vous vous êtes battus ? s’inquiéta-t-elle.

    - Oh ! Non ! Il a seulement confondu le Hook avec un shaker !

      Syndël et Mike éclatèrent de rire.

      Quelques minutes après, Mark les avait rejoints et Micaëla se décida à poser la question qui la taraudait.

    - Dites, qu’est-ce qu’il a, Don, depuis quelque temps ? Aujourd’hui, il était à la limite du supportable ! Je veux bien croire qu’il a mauvais caractère, mais à ce point…

      Camille et Syndël échangèrent un regard.

    - Il est en colère, parce qu’il est malheureux… commença Camille.

    - Il est malheureux parce qu’il est amoureux ! expliqua Syndël.

    - Ah ! Je le savais ! triompha Mark.

    - De qui ?

    - Tu ne la connais pas, c’est ma sœur.

    - Ta sœur ? Celle qui est restée en otage je ne sais trop où ?

    - Mark l’a déjà croisée ! continua Camille. Sur la planète grise ! ajouta-t-il comme le jeune homme hochait la tête.

    - J’avais encore raison, il est amoureux de Diane Chasseresse.

      Syndël ouvrit de grands yeux.

    - Pourquoi l’appelles-tu Diane ?

    - Parce que sur la planète grise, elle a dégommé cinq ou six mecs du gang avec son arc et ses flèches électriques. Et puis, c’est une sacrée nana, une vraie déesse ! Enfin, presque aussi jolie que toi, Mike ! ajouta-t-il très vite comme son amie le regardait avec suspicion.

    - Bref, Johanne et Don sont dotés tous les deux d’un caractère plutôt… fort. Ils se sont disputés, à un moment où Don était fragilisé, elle n’a pas accepté l’orage, il est devenu violent… Et ensuite, elle l’a envoyé balader, malgré toutes ses tentatives pour se faire pardonner. Ce qui n’empêche pas Don de culpabiliser à mort parce qu’il lui avait promis qu’elle ne resterait en exil qu’un an. Mais pour qu’il arrive à temps, il aurait fallu qu’il parte il y a au moins deux mois ! L’état-major ne l’a pas autorisé à quitter son poste. Ils disent avoir besoin de lui. Alors il ne se pardonne pas ce qu’il considère comme une trahison de plus à son égard.

    - Whoah ! soupira Micaëla. Comme c’est romanesque !

    - Je ne vous conseille pas d’y faire allusion devant lui ! Il peut devenir très violent ! On a failli se battre plus d’une fois à ce propos !

    - Ton conseil vient un peu tard ! ricana Mark. Je ne vois pas comment il pourrait être plus désagréable que ce qu’il a été tout à l’heure !

    Suite du chapitre 17


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  •       Il fallut encore deux mois à la Flotte pour atteindre la planète Sobolev. Mais toute l’armée unioniste s’était rassemblée en cet endroit, et aucune des deux puissances en présence ne pouvait prendre le pas sur l’autre. Le siège de Sobolev dura deux mois, deux mois de réflexion au bout desquels l’état-major de la résistance décida de se retirer. Le général Stens et Jean-Loup Montjoie envoyèrent un message de paix au palais de Lutham Calv. L’offre était simple : arrêt des hostilités, et engagement de la part de la résistance de ne pas tenter d’envahir Sobolev, à condition que l’Union accepte l’indépendance des dix autres planètes civilisées. A l’étonnement général, une réponse positive fut renvoyée, signée à la fois par Lutham Calv, son premier ministre Stanford Rayan et le vice-président Kendal Pherson. Une cérémonie de signature eut lieu la semaine d’après, et la paix fut proclamée dans toute la galaxie. Donatien tint à y assister, et éprouva des sentiments mélangés à voir l'impassibilité de son grand-père. Par contre, le seul regard que lui lança Stanford Rayan le fit sourire. C’était un regard de haine pure, qui correspondait parfaitement à ce que lui-même ressentait. Lorsque la cérémonie fut terminée, Lutham Calv s’approcha de Donatien et les deux hommes se regardèrent dans les yeux.

    - J’ai eu beaucoup de mal, mais j’ai finalement réussi à admettre ce que tu m’as révélé. murmura Donatien. Tu es bien le père de ma mère et j’accepte cette ascendance, même si elle est très lourde à porter.

    - Je sais que tu as vérifié ! rectifia Lutham Calv. La trace de la prise de sang…

    - Mais ne crois pas que ce soit de gaieté de cœur ! Comment as-tu pu faire torturer une femme comme Phylia ? Et sans doute elle n’était pas la seule femme parmi les victimes de tes tortionnaires ! Parce que tu ne te salis pas les mains, n’est-ce pas ?

    - La fin veut les moyens. Elle savait ce qu’elle risquait. Elle s’était engagée en connaissance de cause, tout comme toi !

      Donatien secoua la tête.

    - C’est là que tu fais erreur, « grand-père » ! Je n’ai rien choisi du tout ! Quand maman est morte, j’avais dix-sept ans. Comme je ne savais rien de son engagement, le seul avenir que j’avais envisagé, c’était de devenir pilote de chasse dans l’armée officielle, dans ton armée ! Mais ton camp en a décidé autrement ! C’est Rayan qui m’a spolié de l’héritage de ma mère, m’ouvrant enfin les yeux sur la perversité de la justice de l’Union ; c’est Amalric qui m’a envoyé sur la planète grise, me permettant de rencontrer les résistants. C’est donc toi qui m'as poussé dans le camp de tes ennemis !

    - Tu as sans doute raison, soupira Calv. Sauf que ce n’est pas moi qui ai pris ces décisions. Lorsque je l’ai su, il était beaucoup trop tard. Et tu sais aussi bien que moi qu’il est aussi impossible de ressusciter quelqu’un que de le sortir de la planète grise. Enfin, avant tes divers coups d’éclats… ! » Il baissa soudain la voix, perdant d'un coup la morgue qu'il affichait. « Donatien, je voudrais juste que tu saches… N'avoir pu sauver vous sauver ta mère et toi, c’est la plus grande douleur de ma vie. »

      Donatien se détourna brusquement pour rejoindre sa délégation. Toutes les personnes présentes purent voir à quel point il était bouleversé. Il tournait le dos à Calv lorsqu’un cri jaillit.

    - Salopard de Fox !

      Don se retourna brusquement. Il vit le bras tendu de Rayan qui braquait son arme sur lui. Il se figea. Il n’était pas armé et ne pouvait rien faire pour se protéger du rayon mortel.

    - Puisque je tombe, tu ne triompheras pas longtemps ! Tu feras mes amitiés à ta mère, en enfer ! cracha Rayan avec un sourire sardonique.

      Le jeune homme eut l’impression que la scène se déroulait au ralenti. Il vit une silhouette se jeter entre Rayan et lui. Lutham Calv s’effondra sur le sol, tandis que les propres gardes du corps de Stanford Rayan reculaient d’un pas, stupéfaits.

    - Tuez les tous ! hurla Rayan. Mais, à sa grande surprise, le vice-président de l’Union s’avança et secoua la tête.

    - Arrêtez cet assassin ! fit-il simplement.

      Tandis que les soldats désarmaient Stanford Rayan, Pherson se tournait vers la délégation de la révolution, horrifié. Donatien était tombé à genoux auprès de Calv ; il secoua la tête.

    - Il est mort ! souffla-t-il. On ne peut plus rien pour lui.

    - Je vous présente toutes mes excuses, au nom de la planète Sobolev. Je suis navré, monsieur de cet incident et attristé de la perte de notre président. J’ose espérer que cela ne remettra pas en cause notre accord.

      Donatien se leva et secoua la tête.

    - Vous n’êtes pas en cause. C’était une vieille haine entre Rayan et moi. L’accord est signé. Mais mon grand-père a donné sa vie… pour moi !

      Terriblement choqué, Donatien s’excusa et voulut s’éloigner.

    - Commandant Genery ! Commandant Genery ! Attendez, je vous prie, il faut que je vous présente mes excuses.

      Il regarda accourir vers lui une femme blonde juchée sur de hauts talons et eut l’impression que ce visage surgissait du passé.

    - Je suis la femme de Stanford Rayan et je suis vraiment navrée. Je ne sais pas ce qui lui a pris. Il est devenu fou. Je ne partage absolument pas ses opinions et je tiens à vous assurer de ma sollicitude et de mon dévouement pour la paix…

      Donatien comprit en voyant que la femme lui souriait d’un air assez suggestif. Une envie de meurtre lui serra la gorge, mais il haussa les épaules.

    - Tu as décidément la mémoire bien courte, Jennie ! Sais-tu que tu as déjà joué cette comédie, il y a quinze ans, à l’homme que tu trahis aujourd’hui ?

      La blonde sursauta et pâlit en reconnaissant le regard gris.

    - Le commandant Sham, c’est… toi ? Donnie !

    - Et oui, ma belle. Je suis navré, Jennie, mais ne compte pas sur moi pour faire le prochain pigeon.

      Il la planta là et le regard perdu, il quitta la grande salle, suivi par la délégation. Il ne répondit à aucune question, ignora les félicitations et la joie générale que procurait la victoire. La sollicitude de Syndël et Mike resta sans effet. Sa seule préoccupation fut de s’éloigner des autres et de s’isoler. Aucun ordre du commandement, aucun appel de ses amis, aucune menace, rien ne put le faire sortir de son vaisseau pendant toute une semaine. Ce fut Mark qui le croisa dans un couloir, au beau milieu de la nuit. Il était rasé de près, habillé en civil, son regard clair étincelait de résolution.

    - Donatien ! Enfin ! Te voilà revenu à la raison !

    - Salut Mark ! Je suppose que les huiles sont encore en conseil ?

    - Euh, en effet. Mais, je te rappelle que tu es censé être une de ces huiles ! Ils ont encore déploré ton absence, d’après ce que m’a dit Camille ! Syndël et Mike sont restées avec lui, mais leur blabla commence à me gonfler. Maintenant que l’action est terminée, je m’ennuie !

    - Bon, je vais leur offrir le plaisir de ma présence, mais je pense que ce que je vais leur dire ne va pas les enchanter de reste.

      Mark fronça les sourcils en voyant son ami s’éloigner et décida de le suivre. Finalement, ce conseil ne serait peut-être pas si ennuyeux que ça ! Un grand brouhaha se fit entendre dans la salle de conférence à leur entrée. Les trois chefs, Jean-Loup, Stens et Phylia poussèrent un soupir de soulagement.

    - Commandant Fox-Genery ! Enfin ! Que se passait-il ? Expliquez-nous !

    - Il m’a fallu une semaine de repos. Et puis, vous savez que le jour de la cérémonie, j’ai eu un petit entretien avec mon grand-père, Lutham Calv. J’ai eu besoin de réfléchir à ce qu’il m’a dit, pour mieux comprendre son geste ensuite. Il a détruit ma vie, puis il l’a sauvée…

    - Vous allez mieux, alors ?

    - Tout à fait. Et dès demain je pars avec un des croiseurs.

      Un grand silence tomba et Camille songea que décidément, son ami ne changerait jamais.

    - Que dites-vous ? demanda Phylia.

    - Je prends un des croiseurs de la flotte, et je vais chercher Johanne. Je devrais être avec elle depuis deux mois ! Il m’en faudra encore quatre pour la rejoindre ! Par votre faute, j’ai manqué à la promesse que je lui avais faite ! La femme que j’aime est exilée loin de sa famille, sans possibilité de revenir par ses propres moyens ! Il est hors de question que je la laisse tomber !

    - Mais…

    - Vous n’avez pas le choix ! coupa-t-il. Sans Johanne, jamais nous n’aurions trouvé cette flotte, jamais nous n’aurions imaginé qu’elle existe vraiment. Si elle n’était pas restée là-bas, jamais nous n’aurions gagné cette guerre ! Alors demain, je pars la chercher avec un des croiseurs.

      Stens et Jean-Loup Montjoie échangèrent un coup d’œil.

    - Vous avez l’autorisation. fit le père de Johanne qui était tout à fait de l’avis de Donatien.

    - C’est gentil de votre part. ironisa-t-il. Mais je n’en ai nul besoin. Je pars, un point c’est tout !

    - Don, n’en rajoutez pas ! gronda Phylia. Mais vous comptez partir seul ?

    - Certainement pas !

      Quatre voix jaillirent en même temps et tout le monde éclata de rire, détendant l’atmosphère.

    - Bon, conclut Ralf Stens. Je crois que nous allons aussi devoir nous passer des services de messieurs Camille Montjoie, Mark Spencer et de mesdemoiselles Syndël Myryan et Micaëla Quinn ! Alors, bonne chance, et revenez-nous vite !

    Epilogue


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  •   L’ordinateur de bord du croiseur n’avait réveillé les humains qu’après l’arrivée à proximité de la Lune. Tous excités, Micaëla et Mark s’étaient précipités vers la grande baie vitrée et admiraient avec des exclamations fascinées la planète bleue.

    - C’est donc ça la planète Terre ! s’extasia Micaëla.

    - Et c’est encore plus beau à la surface ! ajouta Syndël.

      Sans prêter attention au spectacle, Donatien s’était installé au poste de commande et cherchait désespérément la fréquence.

    - Ça ne répond pas ? s’enquit Camille, inquiet.

      Donatien secoua la tête.

    - On est peut-être encore trop loin ! Approche-toi !

      Don obéit mais seulement des crachotements étranges sortirent du haut-parleur.

      Les autres s’approchèrent, conscients de la tension soudaine.

    - Il y a un problème ? s’enquit Micaëla.

    - Je n’arrive pas à joindre la Terre… murmura Donatien. Mais qu’a-t-il pu se passer ?

    - Attendons un peu. On réessayera plus tard.

    - Non ! Je veux que nous descendions sur Terre ! Et s’il se passait quelque chose de grave !

      Mark et Camille échangèrent un coup d’œil dubitatif.

    - Qui reste et qui descend ? demanda Camille.

    - Tout le monde descend ! Nous allons dissimuler le croiseur là où nous l’avions trouvé, puis nous gagnerons Lynde avec le Hook !

    - Pourquoi pas ? Et s’ils nous repèrent ?

    - Alors le problème sera réglé, puisque nous aurons un interlocuteur ! Trêves de palabres ! On descend !

      Les quatre passagers se précipitèrent vers les sièges, voyant que Donatien basculait résolument le croiseur vers la planète.

    - Hey ! protesta Micaëla. Ne sois pas si brusque ! Tu es censé ne plus être en colère !

    - Maintenant, il est impatient ! commenta Camille. Tu sais, avec lui, il y a toujours de bonnes raisons pour transformer un vaisseau en shaker !

      Sans qu’aucune voix venue de la Terre ne se soit fait entendre, le croiseur se posa sur la terre gelée de l’Antarctique.

    - Ils n’ont même pas réagi à cette intrusion ! souffla Mark. C’est incroyable !

      Donatien n’ajouta rien, sentant l’angoisse lui étreindre la gorge. Malgré l’état de ses nerfs, il réussit à piloter sans casse le Hook jusqu’à la cité de Lynde, mais toujours aucune protestation radio ne se faisait entendre. L’appareil se posa sur la piste complètement déserte, et lorsqu’ils descendirent, personne ne bougea pour les accueillir.

    - Pour être étrange, c’est étrange ! commenta Syndël.

      Le petit groupe marcha vers les constructions, arme au poing. Il n’y avait absolument personne. Le métro aérien qui les avait emmenés au centre de la cité fonctionnait. Devant eux, ils virent partir deux navettes à vide. Ils montèrent dans la troisième, de plus en plus surpris. Micaëla et Mark restèrent muets devant la majesté de la forêt. La navette finit par s’immobiliser à son terminus et ils se hâtèrent de descendre. La ville aussi semblait déserte. Aucun piéton sur les escaliers magnétiques, ni dans les rues éclairées par les reflets flamboyants du coucher de soleil. Il n’y avait personne !

    - Regarde ! s’écria soudain Syndël en désignant une maison. Il y a du linge accroché. Il y a donc des gens !

    - Mais où sont-ils ?

      Ils se turent soudain. Une immense clameur monta du centre de la ville puis se tut au bout de quelques minutes.

    - De quoi s’agit-il donc ?

      Sans se concerter, ils se mirent à courir dans la direction d’où provenait le bruit. Ils parvinrent derrière l’immense pyramide de la bibliothèque, où avait eu lieu le banquet lors de leur première expédition. Là, se déroulait une cérémonie rassemblant toute la population de la ville sur d’immenses gradins sans doute construits pour l’occasion. Ils s’approchèrent. Donatien reconnut le prince Argail sur la tribune. Il y avait un autre homme en face de lui, à qui il tendait une grande clé en métal.

    - J’ai compris ! murmura Camille. Ce doit être la cérémonie de passation des pouvoirs ! Ils ont dû choisir un nouveau prince !

    - Et c’est pareil partout dans chaque cité, c’est pour ça qu’il y a silence radio ! ajouta Donatien. Restons à l’écart, alors. Nous n’avons pas le droit de troubler leur fête. Attendons qu’elle se termine !

      Il y eut un petit discours bref de la part du nouveau prince puis tout le monde se leva et entonna une chanson. « Imagine all the people, living their life in peace… »

      A la fin, le nouveau prince s’inclina devant la foule avant de quitter la tribune suivi d’Argail. Le public commençait à se disperser. Donatien se fraya difficilement un chemin jusqu’à Argail qui échangeait quelques mots avec son remplaçant derrière l’estrade.

    - Je te remercie Argail et je viendrai sans doute te voir au début.

    - N’hésite surtout pas ! Et… Par le retour en arrière ! Donatien !

      Argail s’avança vers Don le visage illuminé de joie. Il lui serra chaleureusement la main.

    - Quelle bonne nouvelle que votre retour, mon cher ami ! Permettez-moi de vous présenter le nouveau prince de Lynde, Thykô Moon ! Thykô, voici Donatien Genery.

    - Enchanté, Donatien. De quelle cité revenez-vous ?

      Don jeta un regard inquiet vers Argail qui sourit largement.

    - Mon cher prince, notre ami Don que tu vois là est un descendant des exilés de la Terre, il est venu il y a presque deux ans avec ses amis par le chemin de Majan Valinë dont tu as sans doute entendu parler.

    - C’est incroyable ! Je suis tellement content. Mais…

    - Notre amie Johanne est venue avec lui. Elle est restée pour raisons… Écoute, tu commenceras par lire le dossier qui la concerne quand tu te mettras au courant. Ce serait trop long à raconter maintenant. Tu devrais aller rejoindre ta femme et tes gamins, qui doivent être fiers comme des paons ! Mais dès demain matin, regarde ce dossier en priorité. S’ils sont revenus, tu vas avoir de boulot à ce propos !

    - Tu as raison ! Au revoir, Argail ! Au revoir Donatien ! »

      Dès que le prince eut disparu, Argail secoua la tête d’un air réjoui.

    - C’est si bon de vous revoir enfin, Don. Alors, votre mission ?

    - Remplie à merveille, Argail. Nous avons libéré dix planètes sur onze, et nous avons signé un traité avec l’Union, pour garantir la paix.

    - J’en suis si heureux pour vous !

    - En tout cas, nous avons été sacrément effrayés en arrivant ! souligna Don. Silence radio complet lorsque nous étions dans l’espace, puis sur l’astroport. La ville déserte !

      Argail pouffa.

    - Aussi, vous avez bien choisi votre jour ! Toute la population humaine de la Terre est dans sa ville pour assister à la nomination du nouveau prince ! Il y a une cérémonie comme celle-là tous les deux ans, et vous tombez pile dessus !

    - Et où est… Où est Johanne ?

      Argail sourit.

    - Elle est déjà rentrée avec Arkane. Ne traînons pas. Elle va être si heureuse de vous revoir !

    - Je lui avais promis que son séjour ne durerait qu’un an ! murmura-t-il tristement. J’ai manqué à ma promesse.

    - Je ne pense pas qu’elle vous en tienne rigueur ! Mais venez ! Vous êtes tout seul ?

    - Non, mes amis sont là-bas.

      Ils marchèrent vers l’orée de la forêt. Don présenta Mark et Micaëla sans réussir à dissimuler son impatience.

    - Venez ! répéta Argail, amusé.

      Arkane poussa un cri de joie en les voyant entrer dans son salon. Sans façon, elle se jeta au cou de Donatien et l’embrassa sur les deux joues, avant de saluer tous les autres de la même manière, même ceux qu’elle ne connaissait pas.

    - Où est Johanne ?

      Arkane sourit et prit Donatien par la main.

    - Mon cher ami, vous allez au fond du couloir, vous prenez la porte de gauche, vous entrez sans frapper. Et personne ne viendra vous déranger tant que vous ne reviendrez pas ! Allez ! Dépêchez-vous !

      Un peu surpris, Donatien obéit et referma la porte derrière lui. Figé, il contempla la chambre, écarquillant les yeux. Effondrée sur le lit, la tête enfouie dans l’oreiller, la jeune femme sanglotait de toute son âme, serrant contre elle son lapin en peluche bleue. Il s’approcha sans bruit et s’assit à côté d’elle.

    - Ne pleure pas, Johanne ! murmura-t-il, la voix étranglée. Ne pleure pas !

    - Mais il me manque tellement ! gémit-elle en redoublant de sanglots. Oh ! Pourquoi Don ne revient-il pas, Argail ? Pourquoi ? Il n’est pas mort, n’est-ce pas ? Il ne peut pas mourir ! Il n’a pas le droit !

      Heureux, Donatien se pencha vers elle. Il souleva avec douceur la masse de cheveux redevenus flamboyants qui dissimulaient son visage et posa ses lèvres sur la joue trempée de larmes.

    « Petite fille, pourquoi tu pleures ? » murmura-t-il à son oreille.

      Elle ouvrit les yeux en tressaillant. Elle se leva brusquement, incrédule. Elle toucha son épaule comme pour se convaincre qu’elle n’était pas victime d’une hallucination avant de pousser un cri.

    - Don ! Je ne rêve pas ! Don ! C’est toi ! C’est enfin toi !

      Il baissa la tête, pour éviter son regard.

    - Je suis tellement désolé de ne pas avoir tenu ma promesse, ma chérie adorée. Je voulais venir plus tôt, mais…

    - Mais tu es là ! hurla-t-elle. Tu es vivant ! L’Union ne t’a pas tué ! Don ! Tu es là !

      Elle se jeta dans ses bras avec une telle force qu’ils roulèrent tous les deux sur le lit.

    - Ma Johanne !

    - Oh ! Mon amour !

      Il ne lui laissa pas le temps d’ajouter quoi que ce soit et l’embrassa avec tendresse. Elle répondit à son baiser avec passion en le serrant contre elle avec force.

    - Tu m’as tellement manqué. Si tu pouvais savoir à quel point j’ai souffert à cause de toi, petite fille ! souffla-t-il en couvrant le visage offert de baisers.

      Elle ouvrit grand ses yeux verts rendus limpides par la joie et le bonheur absolu qu’elle ressentait. Le regard gris s’y plongea avec la volonté de s’y noyer.

    - Alors, venge-toi ! murmura-t-elle.

    Suite de l'épilogue


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  •   Lorsqu’ils émergèrent enfin de leur bulle de tendresse, ils se rendirent compte qu’il était plus de minuit. Dans la maison d’Argail, tout le monde était couché. Sans faire de bruit, Johanne entra dans la cuisine et prépara à la hâte deux sandwiches.

    - Viens ! murmura-t-elle. Tu me raconteras tout là où nous allons.

      Elle le prit par la main et l’entraîna à travers les rues désertes.

    - Il n’y a pas de couvre-feu, au moins ? s’inquiéta Donatien.

    - Rassure-toi. Il n’est pas interdit de se promener la nuit. Mais j’espère que nous serons seuls là où je t’emmène.

      Au bout de dix minutes, ils parvinrent au sommet d’une colline herbue au milieu d’une clairière qui dominait la cité. Donatien se figea à la vue des milliers de petites lumières dans les arbres.

    - C’est féerique ! s’exclama-t-il.

    - N’est-ce pas ! Maintenant, assieds-toi à côté de moi, Don, et raconte-moi tout !

    - Tout quoi ? La guerre ?

    - La guerre aussi, mais avant, je veux savoir ce qui t’a poussé à être aussi violent… avec moi…

      Donatien se raidit et s’écarta un peu d’elle, il se prit la tête entre les mains.

    - J’ai tellement honte, Johanne !

    - Je veux savoir, Donatien. Je veux comprendre ! Je veux pouvoir te rendre ma confiance ! Je veux savoir si je peux vivre avec toi ! S’il te plait ? Si tu m’aimes, tu dois me le dire !

      Il poussa un profond soupir et s’allongea dans l’herbe, regardant loin vers le ciel étoilé. Johanne l’observait avec attention.

    - Lorsque je suis venu te chercher, au palais, j’ai croisé Lutham Calv. Et… Il m’a révélé que j’étais son petit-fils. Ma mère était sa fille. Je n’ai pas voulu le croire, pourtant je ne l’ai pas tué. Je voulais vérifier. Je lui ai prélevé un peu de sang. Jusqu’à ce que l’ordinateur me confirme la vérité, je ne savais plus où j’en étais. J’étais mort de peur.

    - Il ne te restait que de la colère pour exprimer ton angoisse. compléta Johanne, atterrée.

    - Je suis vraiment navré, Johanne, de ce que je t’ai dit. Tu ne méritais pas ça. Je ne sais pas pourquoi je t’ai rendue responsable, je croyais que j’allais devoir abandonner mon combat auprès de la résistance… J’étais un imbécile.

      Johanne se blottit contre lui et il passa son bras autour de ses épaules.

    - Et moi une idiote bornée. Au lieu d’essayer de t’aider, je t’ai tourné le dos ! Je t’ai repoussé ! Oh ! Don ! Tu devrais me haïr !

    - Te haïr ? N’y compte pas, ma sauvage ! Tu ne te débarrasseras pas de moi si facilement ! Bref, j’ai révélé la vérité à l’état-major, et, contrairement à ce que je croyais, ils n’ont pas voulu que je m’en aille.

    - Je suis désolée de ne pas avoir fait l’effort de t’écouter ! Si…

    - Et si j’avais réagi de manière moins violente, on n’en serait pas là non plus !

    - Oublions ! Et la révolution ? Si vous êtes de retour, j’imagine que…

    - Nous avons libéré toutes les planètes sauf Sobolev. Nous avons signé un accord avec l’Union. Lutham Calv a été tué par Rayan… Maintenant Kendal Pherson est le chef de Sobolev. Je pense qu’il n’y aura plus de problème.

    - Alors, c’est fini ? Plus de clandestinité, plus d’angoisse, plus de fuite ?

    - Il nous reste à reconstruire Rhyway…

      Ils restèrent l’un contre l’autre toute la nuit. Ce fut le premier rayon de soleil qui réveilla Donatien. Il sourit en découvrant la jeune femme allongée tout contre lui. Elle ouvrit les yeux et lui adressa un sourire ensommeillé.

    - Mais où sommes-nous donc ? Oh ! Don ! On a passé la nuit dehors !

      Il hocha la tête et s’étira.

    - Tu sais que c’est la première fois qu’on passe une nuit entière à la belle étoile, ensemble sur le sol d’une planète ?

    - J’espère bien que ce ne sera pas la dernière ! s’exclama-t-elle en frissonnant. Mais la prochaine fois, on se munira d’une couverture ! Elle se leva d’un bond et lui tendit la main. Viens ! Il faut rentrer, sinon Argail et Arkane risquent de se demander où nous sommes passés. Tu n’es pas venu seul ?

    - Non, ma douce. Ton frère et Syndël sont là aussi, ainsi que Mark et Micaëla.

    - Qui donc ?

    - C’est vrai que tu ne les connais pas ! Micaëla est une jeune pilote de chasse, tout à fait charmante et spirituelle. Lorsque nous avons libéré la planète grise, Mark et elle ont rejoint mon équipe.

    - Spirituelle et charmante ! releva la jeune femme en fronçant les sourcils. Elle lâcha sa main et recula. Et que vas-tu lui dire pour lui expliquer ton absence de cette nuit ?

      Donatien resta interloqué, puis éclata de rire, le regard malicieux.

    - Oh oh ! Me ferais-tu déjà l’honneur d’une scène de jalousie, petite fille ? Je suis très flatté, tu sais !

      Elle se renfrogna.

    - Tu t’es encore moqué de moi ! Si j’avais su, j’aurai accepté l’invitation du prince Kyril de Moldau, au lieu de me morfondre et de rêver à un inconstant ! s’exclama-t-elle, avant de se taire brusquement, consciente d’avoir trop parlé.

      Il secoua la tête, franchement amusé.

    - Il faudra que tu m’expliques en détail cette histoire de prince. Mais en ce qui concerne Micaëla, son fiancé Mark est très jaloux. Comme nous sommes devenus amis, je n’ai pas voulu courir de risques ! rétorqua-t-il. Tu l’as déjà rencontré, sur la planète grise aussi.

    - Son fiancé ?

      Elle devint rouge comme une pivoine.

    - Je crois que je vais adorer te faire rougir, ma jolie. Il tendit la main vers elle. Mais viens donc te faire pardonner d’avoir douté de moi !

      Gênée, Johanne se blottit dans ses bras.

    - Pardon ! murmura-t-elle. Dès qu’il s’agit de toi, je deviens complètement stupide ! Alors je suis censée connaître ce Mark ?

      Donatien hocha la tête.

    - Ah ! Oui ! Je me souviens ! L’homme qui voulait que je sois chef du gang à la place de Wolf ! Celui qui nous a involontairement permis de fuir !

    - Exactement !

    - Viens, j’ai hâte de les rencontrer ! Et de le remercier pour ce qu’il a fait !

      Les deux jeunes gens coururent dans la rue, dédaignant le trottoir roulant, sous le regard amusé des terriens. Ils parvinrent hors d’haleine chez Argail où tout le monde était attablé pour le petit déjeuner.

    - Don ! Johanne ! Enfin, vous êtes là ! Où étiez-vous donc passés ?

      Tandis que Johanne se jetait dans les bras de son frère, Mark et Micaëla échangèrent un regard amusé en constatant le bonheur si évident de leur ami.

    - Don est redevenu un gamin ! chuchota-t-elle. Regarde comme il rayonne ! Ses yeux étincellent !

      Les présentations furent rapidement faites et ils s’assirent devant leur petit déjeuner, affamés.

      Cependant, Argail regardait ses amis d’un air soucieux. Camille s’en rendit compte. Il lui fit un petit signe et les deux hommes se retrouvèrent sur la terrasse, aussitôt rejoints par Mark.

    - Que vous arrive-t-il, Argail ?

    - Je crains que nous ne soyons dans une situation difficile.

    - Et pourquoi donc ?

    - Il y a eu changement de prince. Le temps que tout se mette en place, que les trente princes aient pris connaissance du dossier, que des décisions soient prises… Je ne sais pas quand il sera possible de laisser partir Johanne.

    - Mais, on avait un marché ! On a amené un des croiseurs pour que vos scientifiques vérifient s’ils peuvent trouver une parade aux armes…

    - Je sais, mais maintenant, il faut que nos scientifiques se mettent au travail. Comme je vous l’ai dit, ils ne le feront pas sans ordre du grand conseil des princes !

    - Je vois ! Et inutile d’en parler à Donatien. Pour le moment, il nage dans un vrai lac de tendresse, il ne voit rien à part ma sœur… D’ailleurs, tant mieux ! Ça nous fait des vacances ! Vous ne pouvez imaginer à quel point il est devenu insupportable ! Depuis le moment où il a compris qu’il ne pourrait pas tenir sa promesse, il nous en a fait voir de toutes les couleurs !

    - Si ça peut vous consoler, depuis la même époque, votre sœur sanglotait quasiment toutes les nuits, parce qu’elle était persuadée que vous étiez tous morts. Arkane et moi ne savions plus quoi faire pour lui remonter le moral. Heureusement qu’il est enfin revenu, elle a failli inonder la Terre !

    - J’adore les belles histoires romanesques et qui finissent bien ! plaisanta Mark.

    - Ouais ! On est tranquille jusqu’à leur prochaine dispute ! commenta Camille. Bref, qu’allons-nous faire ?

    - C’est contraire à la coutume, mais je vais essayer d’expliquer la situation à Thykô. J’irai le voir tout à l’heure pour le convaincre d’accélérer les choses.

    Suite de l'épilogue


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