• 1-1

      La navette s’arrima au quai n°3 de l’astroport de Baire et les passagers en provenance de la planète Rhyway commencèrent à descendre. Une jeune femme quitta en dernier l’appareil. Elle regardait tout autour d’elle, les yeux grands ouverts, étourdie par le voyage et la foule.

     1-1

       C’était la toute première fois que Johanne quittait sa planète natale. L’étrangeté du décor par rapport aux repères qu’elle avait la déstabilisait un peu : Baire était une gigantesque station-relais artificielle. S’arrachant à sa contemplation étonnée, la jeune femme sortit de son sac la lettre officielle reçue quelques jours auparavant, qui l’informait de son affectation. Elle devenait la nouvelle assistante du célèbre archéo-technologue El Hassan Kharizmi qui l’attendrait à l’astroport de Baire, guichet 11. Elle n’en savait pas plus sur la mission qui l’attendait.

    Elle n’avait pas fait dix mètres dans la direction des guichets, qu’une escouade d’agents de la milice de l’U.I. fit son apparition et convergea vers elle.

    « Miss Dorval ? demanda celui qui paraissait être leur chef.

    Le cœur battant, elle hocha la tête.

    - Veuillez nous suivre ! ordonna l’homme.

    - Mais pourquoi ? Que se passe-t-il ?

    - Suivez-nous ! répéta-t-il en portant la main à son blaster.

     1-1

     Les militaires la conduisirent jusqu’aux bureaux administratifs où l’un d’entre eux frappa à une porte métallique.

    - Miss Dorval, mon colonel.

    - Parfait ! Faites-la entrer, et laissez-nous seuls. »

    Suite du chapitre 1


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  • 1-2

        Johanne pénétra dans la pièce quasi vide et sursauta lorsque la porte claqua derrière elle.

     - Bonjour, mademoiselle Dorval. fit le militaire assis derrière le bureau. Asseyez-vous, je vous prie.

     1-2

        La jeune fille s'exécuta sans dire un mot, intriguée.

    - Vous devez vous demander pour quelle raison vous vous trouvez ici, n’est-ce pas ?

    - En effet.

      Il esquissa un sourire narquois et Johanne se sentit immédiatement très mal à l’aise. Sans qu’elle sache pourquoi, l’homme en face d’elle lui faisait peur. Son regard bleu acier, ses cheveux blonds coupés très court lui donnaient un air vaguement menaçant. Comme il ne parlait toujours pas, elle finit par s’impatienter.

    - Bon, je suppose que vous ne m’avez pas fait arrêter pour me regarder en vous payant ma tête ! s’écria-t-elle.

    - Évidemment que non ! Mais j’avoue que l’idée de vous regarder longtemps et plus en… détail me remplirait de bonheur, Johanne Dorval. rétorqua-t-il en la déshabillant du regard. Mais je ne me suis pas présenté. Je suis le colonel Amalric !

      Il détailla son visage puis son corps avec lenteur.  La jeune fille se sentit glacée de l’intérieur.

     1-2

     - Venons-en au fait. Que savez-vous de votre mère, miss Dorval ?

    - Ma mère ? Dolorès Dorval était médecin et…

    - Non ! trancha le colonel. Je parle de votre vraie mère.

      Johanne haussa un sourcil en signe d’étonnement.

    - Vous parlez de Wendy Paresc ? Elle est morte depuis bientôt quinze ans !

    - C’est justement votre parenté avec elle qui fait que vous êtes dans ce bureau aujourd’hui.

    - Que voulez-vous dire ?

    - Depuis le jour où les Dorval vous ont adoptée, nos services ne vous ont jamais perdue de vue. Nous savons tout sur vous. Vous avez vingt-et-une années standard. Vous avez fait des études d’archéotechnologie et d’anthropologie que vous avez brillamment terminées il y a sept mois. Vos loisirs favoris sont l’escalade et le tir à l’arc. Vous avez eu la varicelle à quinze ans, vous chaussez du 38, vous vous habillez en 36/38. Vous mesurez 1m72 et vous pesez 59 kilos. Vous avez un grand tatouage en forme de dragon, dans le dos. Vous avez eu votre première expérience… intime à dix-sept ans, c’était avec votre professeur de pilotage. Depuis vous avez eu de nombreux amants. Et vous avez d’ailleurs la réputation d’être assez habile dans ce domaine particulier des relations humaines…

      À ces mots, Johanne se leva brusquement, pâle de rage.

     1-2

     - Mais comment osez-vous ? Vous êtes méprisable ! Vous ne respectez donc rien ?

    - Rassieds-toi ! ordonna Amalric d'un ton coupant. Il y a une chose à laquelle nous n’avons pas encore accès, à notre grand désespoir, d’ailleurs. C’est ce qu’il y a à l’intérieur de ta jolie petite tête.

    - Encore heureux ! lâcha-t-elle froidement.

    - Bref, j’ai une mission à te confier.

      La jeune femme écarquilla les yeux.

    - Vous provoquez sciemment ma colère et mon mépris, et vous imaginez que je vais accepter une offre d’emploi de votre part ?

      Le colonel Amalric sourit.

    - Mes propos t’ont trompée, chère Johanne. Car ce n’était pas une proposition, mais un ordre. Tu n’as pas le choix !

    - Vous me donnez des ordres ?

    - Bien sûr ! Rassieds-toi, que je t’explique ta situation actuelle. »

          Johanne obéit, terrifiée par le ton narquois du militaire.

    Suite  du chapitre 1


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  • 1-3

     1-3

     - Allons droit au but. Ta mère était dangereuse. Folle et très dangereuse pour le gouvernement. Vois-tu, l’organisation dont elle faisait partie divulguait et divulgue toujours d’ailleurs des mensonges et des contre-vérités pour déstabiliser l’Union. Depuis ton adoption, tes parents adoptifs et toi avez été sous surveillance constante. Mais personne n’a pris contact avec vous, alors on va tenter le diable !

    - Ma mère ? Subversive ? Vous devez faire erreur ! Wendy Paresc était harpiste ! Elle donnait des concerts et enseignait la musique !

    - Wendy Paresc était la véritable identité d’une révolutionnaire qui cherchait à détruire l’influence de l’Union Interstellaire. Ta mère était traître à l’U.I. ! Et je l’ai moi-même châtiée pour cela.

    - Ma mère…

    1-3

      - Nous soupçonnons le docteur Kharizmi d’être également un sympathisant des révolutionnaires. Tu l’espionneras pour nous.

    - Tout simplement ? s’étonna Johanne. Vous croyez que je vais vous obéir ?

      Le colonel Amalric passa sa langue sur sa lèvre supérieure en un geste gourmand.

    - Bien sûr, Johanne. Car ta carrière et ta vie sont entre mes mains. Et si tu veux des arguments plus… percutants, je vais immédiatement remédier à cela. Tes parents adoptifs ne sont pas morts d’un bête accident de voiture il y a six mois.

      Elle sentit son sang se glacer.

    - Non… chuchota-t-elle et le sourire d’Amalric s’élargit.

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    - Ils avaient commencé à nous dissimuler des informations te concernant. Ils ne voulaient plus nous aider à t’utiliser. Malgré les avantages financiers et professionnels que s’occuper de toi leur avait apportés, ils s’étaient pris d’affection pour toi. Sache donc que si tu refuses encore une fois cette mission, tu termineras prématurément ta vie… Mais pour toi, ce ne sera pas une simple exécution. Ce sera la planète grise…

      La jeune femme pâlit terriblement. La planète grise, là où étaient exilés les plus terribles criminels et les opposants… Une planète retournée à l’état sauvage où les fauves les plus dangereux n’étaient pas les animaux.

    - Vous… Vous n’oseriez pas !

    - Crois-tu ? C’est ton dernier mot ?

    Johanne baissa la tête, comprenant qu’il ne bluffait pas.

    - Quel choix ai-je ? demanda-t-elle d’un ton amer. Je ferai ce que vous voudrez.

    Suite du chapitre 1


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  • 1-4

    - Parfait ! Selon notre informateur, les insurgés sont à la recherche d’informations concernant la légendaire flottille de guerre partie en expédition il y a plusieurs siècles par Majan Valinë.

    - L’expédition qui recherchait le tunnel d’ondes? Celui construit par le vaisseau ayant transportés nos lointains ancêtres par ici ? Ils l’ont trouvé ? Ils auraient retrouvé notre Terre ?

    1-4

     

      Son enthousiasme subit amusa Amalric.

    - T’emballe pas Johanne ! La Terre, on s’en fiche. Si les humains l’ont quittée, c’est parce qu’elle était sur le point d’exploser. Ce qui est sûrement arrivé. Ce que nous voulons, c’est que tu nous informes de toute nouvelle découverte. Il est hors de question que les insurgés aient accès à cette flottille si contre toute évidence elle existe. Les Kharizmi ne doivent pas avoir vent de la surveillance dont ils font l’objet. Et au passage, tu surveilles les allées et venues autour du champ de fouilles, tu essayes de gagner la confiance du professeur. Si tu pouvais coucher avec lui, ce serait parfait, tu apprendrais sans doute plus de choses…

    - Vous pouvez toujours courir ! s’exclama-t-elle, ulcérée.

      Amalric ricana.

    - Oublions ce point pour l’instant. Le champ de fouille est sur Yperis. De temps en temps, je te contacterai pour que tu me fasses ton rapport.

    - J’ai juste une petite question. Si le professeur est la personne que vous croyez, il n’est sans doute pas stupide ! Comment vais-je lui expliquer que je suis descendue de la navette une heure après les autres passagers ?

      Le colonel éclata de rire.

    - Jolie et futée en plus ! Tu ressembles tellement à ta mère ! Rassure-toi Johanne. La navette qu’il croit que tu as prise arrive dans dix minutes. Tu te mêleras aux passagers, et le tour sera joué.

      Johanne haussa les épaules, malgré sa terreur.

    - Et s’il n’est en rien un traître ? Si je ne trouve aucune preuve ? S’il n’y a rien concernant cette légende ? Je suppose que vous m’enverrez sur la planète grise de manière à ce que ce soit moi qui aie tort, et non vous, n’est-ce pas ?

      Amalric faillit s’étrangler de rire. Il se leva et s'approcha d'elle.

    - Décidément, tu me plais, fillette ! Tu as du caractère ! Si tu mènes à bien cette mission, je te ferai transférer dans mon service. Tu m’aideras à piéger les chefs de guerre des insurgés. Tu as forcément déjà entendu parler de Sham, qui serait à demi cyborg ? Lui et Arkab seraient les stratèges militaires de nos ennemis. On va les débusquer et se débarrasser d’eux ! »

    1-4

       La jeune femme se raidit en sentant les mains d’Amalric sur ses épaules et son souffle contre son oreille..

    « Tu peux disposer, je te contacterai en temps utile. »

     Elle se leva et recula vers la porte, terrifiée.

    - Bonne chasse, miss Dorval ! lança le colonel en riant à gorge déployée.

    Suite du chapitre 1


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  • 1-5

      Complètement abasourdie par ce qui venait de se passer, Johanne se mêla aux nouveaux arrivants et marcha avec la foule jusqu’au hall. Sa vie venait de basculer pour la seconde fois en quelques semaines. La mort de ses parents adoptifs, et puis ça… Elle était forcée de travailler pour l’homme même qui avait tué sa mère. Ses deux mères! D’œuvrer pour les idées qu’elle détestait et que Wendy avait manifestement combattues toute sa vie. Mais quel choix avait-elle ?

    - Miss Dorval ?

      Elle se retourna, le cœur battant et fit face à la femme qui l’interpellait.

    - Oui ?

    - Vous êtes bien mademoiselle Johanne Dorval ?

    - Je m’appelle ainsi. Êtes-vous envoyée par le professeur Kharizmi ?

      L’inconnue se détendit et son visage inquiet s’illumina d’un franc sourire. Johanne supposa qu’elle devait avoir près de soixante ans.

    1-5

     - Je suis Loumé Kharizmi, la femme du professeur. Avez-vous fait bon voyage, miss Dorval ?

      Johanne sentit qu’elle était très pâle.

    - Je dois vous avouer que non ! avoua-t-elle. C’est la première fois que je quitte ma planète et…

    - Vous n’avez pas l’air très bien, en effet. Vous vous reposerez dans la navette, il y a des cabines de repos. Venez, Hassan nous attend.

      Elle suivit son guide jusqu’à un petit vaisseau qui les attendait sur un autre quai de départ.

    - Grimpez à bord, miss Johanne. Nous partons immédiatement pour rejoindre Yperis.

    - Enchanté, miss Dorval !

      Intimidée, la jeune femme serra la main du célèbre archéotechnologue qui lui conseilla de s’asseoir.

    1-5

     - Nous décollons dans cinq minutes.

      Le scientifique paraissait un peu plus âgé que sa femme. Ses yeux noirs pétillaient dans un visage buriné et ridé. Il avait l’air si gentil et confiant. Elle se sentit pleine de dégoût envers elle-même. Il lui semblait terriblement honteux de devoir trahir des gens qui l’accueillaient avec tant de gentillesse. Durant le trajet, il lui expliqua quel allait être le but de leur travail.

      Yperis était une planète quasiment inhabitée, à part quelques colonies minières. Et justement, l’une d’elle avait découvert des traces d’anciennes habitations, ce qui justifiait l’envoi d’une expédition scientifique sur son sol. Depuis l’implantation des humains dans cette galaxie, les planètes et lunes viables avaient été colonisées à de nombreuses reprises et objets de conflits incessants pour la domination des ressources minières. Durant les trois mille ans de colonisation humaine, les gouvernements s’étaient unis, puis déchirés à tellement de reprises que les sites stratégiques avaient toujours été dissimulés au maximum, indétectables même avec les scanneurs les plus perfectionnés. Le rôle des archéotechnologues était de retrouver les bases de recherche, les avant-postes et même les cités enfouies oubliées pendant les guerres diverses.

      Cinq cents ans auparavant, Majan Valinë avait réussi à unir les diverses colonies humaines sous une autorité démocratique, mettant en place des règles économiques équitables, garantissant la paix. Mais cet état de grâce n’avait duré que trois siècles. La corruption avait commencé à gangréner les institutions, les inégalités à se généraliser, des révoltes avaient éclatés. L’Union Interstellaire était née de ce chaos, une milice qui avait progressivement pris le contrôle et rétabli l’ordre en contrôlant toutes les ressources et en imposant une loi dictatoriale sur toutes les planètes.

      Le vaisseau atterrit sur Yperis après un long voyage de vingt-quatre heures standard et l’équipe s’installa dans les locaux de la colonie minière avant de commencer le travail.

     Chapitre 2


     

    Et voilà le premier chapitre, où l'on apprend des tas de choses sur Johanne. Certains d'entre vous remarqueront que j'ai fait d'énormes progrès: elle n'est pas passée à la moulinette dès le premier chapitre... mais ça ne saurait tarder^^

    En tout cas, j'espère que ça vous a plu. Bises à tous.

    Koe


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