•   Lorsque Johanne reprit connaissance, elle ne sut tout d’abord plus ce qui lui arrivait. Elle était enchainée à la verticale. Ses pieds ne touchaient pas le sol. Un bandeau noir était noué autour de ses yeux, l’empêchant de voir où elle se trouvait. Un bâillon très serré la gênait pour respirer. Elle essaya de bouger. Le moindre mouvement provoquait une douleur lancinante dans son crâne.

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     « On dirait qu’elle émerge ! » entendit-elle.

    - Elle récupère vite, cette petite ! ricana une seconde voix masculine. Tu crois qu’on peut s’amuser un peu ?

    - Le patron la veut pour lui ! N’y touche pas, il t’écorcherait vif ! Allons plutôt le prévenir. »

      Lorsque la porte eut claqué, elle sursauta, puis ne put plus percevoir un seul son. L’affolement la gagna ; depuis combien de temps pouvait-elle être ici ? Et sa mère ? Altaïr avait-elle réussi à s’enfuir ? La porte s’ouvrit et se referma encore une fois, renforçant son angoisse, d’autant plus que personne ne se manifestait. La jeune femme fut soudain prise d’un tremblement incontrôlable. Ce “patron” ! Ce ne pouvait être qu’Amalric ! Et qui était-elle pour lui ? Loreen Chapman, originaire de Syncra ? Ou Johanne Paresc Dorval ? Elle se raidit soudain. Ce n’était pas un son. Plutôt un déplacement d’air tout près d’elle, sur ses jambes… Puis le bruit d’une respiration, un souffle chaud dans son cou… Des mains se posèrent sur ses hanches, autour de sa taille. Son hurlement s’étrangla dans sa gorge, étouffé par le bâillon.

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     - Bonjour, Loreen ! chuchota la voix d’Amalric contre son oreille. Je suppose que tu comprends dans quelle situation tu te trouves. Tu es avec moi sur le vaisseau carcéral de l’Union. Tu sais quel châtiment attend celles qui osent se moquer de moi ! Pourquoi donc t’être mêlée de ce qui ne te regardait pas ? En quoi le sort d’Altaïr pouvait-il t’importer ? Serais-tu donc, comme elle, bien plus qu’une chanteuse ? C’est ce à quoi nous allons vite travailler.

      Elle sentit qu’il reculait un peu, puis il se décida à lui enlever le bandeau qui couvrait ses yeux. Il claqua des doigts et une violente lumière blanche jaillit d’un projecteur derrière lui. Elle distinguait à peine ses traits, mais son sourire carnassier luisait dangereusement.

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     Détournant les yeux pour s’habituer plus vite à la lumière, elle essaya de découvrir où elle était retenue. Manifestement, c’était une salle d’interrogatoire, avec une table et quelques chaises en métal. Sur les murs, plusieurs carcans magnétiques pour lier les prisonniers étaient vides. Un hoquet lui échappa en voyant les objets posés sur la table. Des couteaux et des pinces, ainsi qu’un appareillage électrique.

    - Dites-moi que je rêve ! s’exclama-t-il en reculant d’un pas. Voilà qui me semble très intéressant, tu as la peau claire en fait ! À quoi ressemble donc ton visage, sans ce maquillage qui te dissimule ? murmura-t-il, rêveur.

      Johanne comprit avec résignation que son produit avait cessé de faire effet. Elle était sûrement restée inconsciente plus de dix heures… Il s’éloigna quelques instants. Il revint avec une petite bassine d’eau, qu’il lui lança à la figure. Avec un frisson, la jeune femme sentit l’eau glacée couler dans son cou, le long de son dos et coller sa brassière et son short contre sa peau. Sans tenir compte de son malaise, il attrapa une serviette et se mit en devoir d’effacer toute trace du fard vert, avec une rudesse qui lui arracha un gémissement.

    - Voilà ! C’est mieux ! approuva-t-il lorsque toute trace de maquillage eut disparu.

      Elle ferma les yeux tandis qu’il la tirait violemment en avant. Il passa la main sur le haut de son dos, découvrant avec intérêt le maquillage qui masquait son grand tatouage vert. Un éclat de rire narquois échappa au colonel.

    - Johanne Paresc ! Ainsi mon piège aura tout même fonctionné.

      D’un geste brutal, il arracha son bâillon. Johanne réprima un cri de douleur et respira profondément, emplissant ses poumons de l’air qui commençait à lui manquer.

    - Tu as donc réussi à libérer ta mère… Où est-elle ?

      Johanne leva vers lui son regard qu’elle s’efforça de rendre impénétrable, malgré sa terreur.

    - Je l’ignore, colonel Amalric.

      Une gifle magistrale lui coupa la parole. Elle sentit le goût du sang sur sa langue. Il lui avait fendu la lèvre.

    - Ma chère Johanne, si tu ne veux pas trouver agréable le sort que j’avais réservé à Altaïr, tu aurais intérêt à me répondre !

    - Mais je ne le sais pas ! Nous nous sommes séparées et c’est moi, que vous avez trouvée !

    - Avec onze années de retard, elle n’aurait jamais pu se dissimuler dans Baire sans ton aide ! Où l’as-tu envoyée ?

    - Nulle part ! Je n’ai même pas eu le temps de lui dire qui j’étais ! »

      Il recula d’un pas, la toisant d’un air appréciateur.

    - Tant mieux que tu sois récalcitrante ! J’avais vraiment envie que nous ayons une petite discussion tous les deux. Il va falloir aussi me dire qui t’a libérée la dernière fois. Mais plus tard, quand je t’aurai un peu punie…

      La deuxième gifle prit la jeune femme par surprise. Elle gémit à la troisième. Dans sa tête, les idées tournaient et retournaient, troublées par les coups d’Amalric. Sham avait raison, elle risquait de trahir la Révolution, de les mettre tous en danger. Elle devait tenir… Tenir suffisamment longtemps pour que ses aveux soient crédibles… Quelle fausse piste suffisamment solide pourrait-elle…?

      Les coups cessèrent. Amalric passa doucement son index contre la lèvre ensanglantée avant de le porter à sa bouche.

    « Délicieux ! Bon, je me sens un peu moins en colère contre toi. Que pourrais-tu me dire de beau, petite chérie ? Tiens, par exemple, qui t’a tirée de mon lit la dernière fois ?

    - Personne ! murmura-t-elle. J’ai pris votre acolyte par surprise. Il a voulu me violer sans vous attendre. Je l’ai tué.

      Un coup violent dans son estomac lui arracha un cri.

    - Comment aurais-tu pu t’en sortir seule ? C’est absurde !

    - Hassan…

    - Je l’ai exécuté, trouve mieux ! Bon, puisque tu es si malhonnête avec moi, je vais devoir sévir !

    - Je vous en prie ! Hassan m’avait laissé des instructions pour m’enfuir… »

      Sans l’écouter, Amalric s’empara des deux câbles reliés à l’appareil que la jeune femme avait repéré. Il caressa nonchalamment ses épaules avec les électrodes. De violentes décharges arrachèrent des hurlements à Johanne. Elle se sentait de plus en plus nauséeuse. Amalric reposa les câbles sur le côté après quelques minutes.

    - Alors, qu’attends-tu pour me dire la vérité ?

      La jeune femme n’avait même plus la force d’ouvrir les yeux. Protéger la fuite de sa mère et Sham. Cela seul comptait.

    - Je vous ai dit la vérité ! gémit-elle. J’avais révélé à Hassan que je l’espionnais. Il m’a confié qu’il avait dissimulé un petit chasseur à l’astroport d’Yperis. Je vous le jure !

    - Et après ?

    - J’ai rejoint Baire. Syndël… Mon amie d’enfance… La rumeur sur ma mère… »

      Sa voix se brisa.

      Tandis qu’elle balbutiait ses aveux, Amalric avait rebranché ses câbles. Elle perdit connaissance sous la décharge. Il la ranima brutalement.

    - Rien à redire sur tes mensonges ? Et ta Syndël ? Elle est où ? Et ta mère ?

    - Pas des mensonges. Parties… Loin… Elles devaient… Rhyway. Syndël connaissait un… »

      Elle perdit à nouveau connaissance. Amalric jura, dubitatif, se demandant quelle était la probabilité qu’une gamine comme elle ait la résistance nécessaire pour mentir.

    « Mon colonel ? Un appel urgent du palais présidentiel ! »

      Il jura en sortant de la pièce. Lorsqu’il revint, Johanne émergeait doucement. Il la gifla encore.

    - Je n’ai plus le temps de m’occuper de toi, ma petite Johanne. Les rebelles sur Olchester ont une poussée de fièvre dirait-on ! J’ai de la révolte à mater. Les services secrets sur Baire et Rhyway sont en alerte, ainsi que sur toutes les planètes donc Altaïr me sera rendue très rapidement, même sans ton aide. Et ton amie tombera vite entre mes mains elle aussi. Et, toi… Je t’avais bien prévenue. Tu vas aller faire un petit tour sur la planète grise.

    - Oh ! Non ! cria-t-elle, le visage crispé par l’effroi. Je vous en prie, pas ça !

    - A moins que tu aies des informations supplémentaires sur ta mère et tes complices ?

      Johanne ferma les yeux. Elle ne trahirait jamais Wendy. Jamais.

    - Je vous assure que je vous ai tout dit. murmura-t-elle. Je vous en prie…

      Amalric haussa les épaules.

    - Dès demain matin, tu seras sur la planète grise. Comme tu le sais sans doute, la population y est à 99% masculine. Ils seront sans doute très heureux que tu leur tiennes compagnie ! D’ici quelques semaines, quand la situation sera calmée, je reviendrai prendre de tes nouvelles, Johanne ! A mon avis, tu m’imploreras de t’emmener… Tu seras prête à tout pour moi ! Voilà de quoi te retrouver ! »

      Il sortit un pistolet marqueur qu’il braqua sur son bras. Un hurlement échappa à la jeune femme lorsque la fiche contenant le capteur magnétique s’enfonça sous sa peau.

    « C’est vrai qu’on met un anesthésique local pour les animaux d’habitude… A très bientôt ma petite ! Tu auras sans doute appris des tas de choses… »

      Il quitta la pièce, non sans lui avoir jeté un dernier regard appréciateur.

    « Mettez-la dans une des capsules de déportation ! Direction planète grise immédiate ! » entendit-elle au fond du couloir.

      Deux soldats de l’Union pénétrèrent dans la chambre et la détachèrent. Ils durent la retenir pour qu’elle ne s’effondre pas à terre. Le plus petit des deux hommes l’insulta copieusement tandis que l’autre la poussait devant lui, sans ménagement.

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    Derrière leurs casques, elle ne pouvait pas distinguer leurs visages. Elle fut conduite dans un des vaisseaux standards de l’Union. Le plus grand des deux gardiens la força à entrer dans une des capsules carcérales. Ces engins étaient simplement des ovoïdes de la taille d’un sarcophage, à l’intérieur duquel le prisonnier était sanglé. La capsule était alors refermée, puis larguée à la surface de la planète prison, où elle s’ouvrait seule, permettant à son occupant de s’en extraire.

      Avant de refermer la capsule sur elle, un des soldats effleura sa joue trempée de larmes du bout des doigts. Elle ne le vit pas déposer subrepticement un sac à ses pieds avant de bloquer la porte.

    Chapitre 9 )

     


     

    Et voilà la suite des aventures de Johanne, son plan n'était pas aussi parfait que prévu finalement. Mais comme son seul objectif était de libérer sa mère, on peut dire qu'elle a réussi.

    Un petit passage manque d'illustrations, mais bon, en sims, la "discussion" entre Johanne et Amalric aurait été difficile à décrire complètement. A ce sujet, désolée pour les âmes sensibles que j'ai pu choquer, mais Amalric est un salaud dans l'armée donc peu de chance pour qu'il se contente de la réprimander. Il veut des infos, il les extorque. Par chance pour Johanne, il a été obligé de s'arrêter assez vite.

    J'espère que ça vous a plu cette fois encore. Bisous

    Koe


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