• « Je vous attends demain, miss Chapman ! Je compte sur vous, n’est-ce pas ?

    - Cher colonel, c’est avec joie que j’accepte votre invitation. Rien ne saurait me faire plus plaisir ! »

    8 - 1

      Johanne laissa l’homme lui baiser la main une fois de plus et s’assit dans l’aéroglisseur qu’il lui prêtait pour retourner à son hôtel. Le concert solo avait été un succès, sa voix rauque ayant réussi à donner l’illusion encore une fois qu’elle était une professionnelle. Amalric n’avait pas attendu que les applaudissements aient cessé pour venir la féliciter et recommencer sa cour. Elle avait supporté ses assiduités et les avait même encouragées avant de feindre un étourdissement. Elle avait prétexté la fatigue due aux deux concerts. Le colonel s’était empressé d’offrir son chauffeur, ce que Johanne attendait avec intérêt. Elle se laissa aller contre le dossier, feignant de somnoler, mais à travers ses longs cils, elle ne perdait pas de vue leur progression. Elle savait où elle devait agir, pour ne pas échouer. Elle n’avait pas le droit d’échouer !

      Comme prévu, le chauffeur dut ralentir pour passer le virage étroit. Johanne prit une grande aspiration en sortant la seringue de son sac. Le véhicule était presque arrêté lorsqu’elle planta l’aiguille dans la nuque de l’homme. Celui-ci freina brusquement avant de s’effondrer sur le volant, ce que Johanne espérait.

      Elle se hâta de descendre et ouvrit la portière. L’homme n’était pas trop grand et son habit lui irait parfaitement. En peu de temps, elle enfila ses vêtements. Elle ligota l’homme inconscient qu’elle hissa avec difficulté dans le coffre. Le reste ne fut qu’un jeu d’enfant. Elle conduisit tranquillement jusqu’à son hôtel, puis fit demi-tour et rentra à la propriété d’Amalric, comme si rien ne s’était passé. Le portail s’ouvrit grâce au badge électronique du chauffeur. Les vigiles ne remarquèrent rien d’anormal. Johanne s’introduisit sans aucune difficulté dans le grand salon d’Amalric. La pièce était plongée dans l’obscurité, mais elle avait bien repéré les lieux. Elle se dirigea jusqu’à la statue. Un petit interrupteur permettait d’éclairer la niche où se tenait… Wendy Paresc ?

      Émue, Johanne retrouva en effet les traits de sa mère sur le visage de marbre noir et chercha comment libérer Altaïr. Il devait bien y avoir un mécanisme électronique… Elle découvrit enfin le boîtier où devaient se trouver les commandes, dans le socle de la statue. Avec précipitation, elle ouvrit le couvercle. Des boutons lumineux… Il s’agissait vraiment d’un hibernateur !

      Elle n'hésita pas à baisser le levier qui devait permettre de libérer Wendy de la gangue de marbre qui la retenait prisonnière.

      Johanne recula d’un pas, lorsqu’un rayon rouge venu d’un émetteur fixé au plafond tomba sur la statue. Au bout de quelques secondes, le marbre noir se fendilla.

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    La roche dure se brisa en des milliers de morceaux qui tombèrent sur le sol, comme une nuée de cendres. Le corps d’Altaïr apparut alors, rigide et blanc.

      Johanne regardait cette statue humaine, les yeux écarquillés d’horreur. Soudain la peau reprit une teinte rosée. Les muscles durcis par l’hibernation se relâchèrent. La jeune femme bondit en avant pour retenir sa mère dans ses bras et empêcher qu’elle ne s’écrase sur le sol. Le corps resta inerte quelques secondes avant que les fonctions vitales ne reprennent, brusquement. Elle sentit le cœur recommencer à battre, la respiration se remettre en place… Les yeux s’ouvrirent brusquement, comme ceux d’une poupée mécanique. La bouche s’entrouvrit sur une inspiration suffoquée.

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     - Cal ! Je vous en prie ! Ne me faites pas ça ! gémit Wendy Paresc. Pitié !

      Johanne se souvint que sa mère était déconnectée du monde depuis onze ans. Malgré l’envie qu’elle avait de la serre fort contre elle, elle savait qu’elle ne devait pas lui révéler son identité à brûle-pourpoint. Le choc risquerait d’être trop fort. Elle décida de ne rien lui dire. Sa peau sombre allait l’aider.

    - Chut ! souffla-t-elle d’une voix tremblante. Je ne suis pas Amalric, Wendy !

      Altaïr sembla reprendre conscience. Son esprit était encore embrumé, mais elle s’écarta de Johanne, méfiante.

    - Qui êtes-vous ? Où suis-je ?

      Johanne se sentit envahie par la joie en entendant de nouveau cette voix chérie qu’elle n’aurait jamais cru réécouter un jour.

    - Répondez ! Où est Amalric ?

    - Je vous en prie, taisez-vous ! chuchota Johanne en essuyant ses larmes. Nous sommes dans le salon de ce salaud qui vous utilise comme œuvre d’art. Il nous faut partir, venez !

      Wendy se mit à frissonner, nue sur le carrelage. Johanne fronça les sourcils. Elle n’avait pas songé à ça… Mais elles étaient toutes deux de la même taille… Johanne se dressa d’un bond. Elle se débarrassa des vêtements du chauffeur sous le regard perplexe de sa mère. Elle avait gardé dessous son costume de scène.

    - Mettez ceci !

    - Je veux d’abord savoir qui vous êtes !

      Johanne hésita. Elle savait que si elle avouait la vérité, elle paralysait Wendy.

    - Je… Je m’appelle Loreen. C’est quelqu’un qui vous aime, qui m’envoie. Je ne peux dire son nom, mais vous l’appeliez Loup.

    - L’homme qui m’aime… Je vous fais confiance.

      Wendy enfila rapidement les vêtements.

    - Ne vous ai-je jamais vue ? demanda-t-elle en fixant le visage de sa fille.

      Gênée, Johanne secoua la tête.

    - Jamais ! Venez avec moi, nous ne pouvons pas rester là !

      Wendy hocha la tête.

    - Vous avez raison.

      Les deux femmes quittaient le salon lorsqu’une sirène se déclencha, vrillant leurs oreilles. Johanne poussa sa mère dans un coin de la pièce et elles se dissimulèrent derrière le socle d'une gigantesque statue.

     8 - 1

       Le colonel Amalric fit son entrée dans le salon et éclaira la lumière. Il avança d’un pas. Il crispa les mâchoires en constatant la disparition de sa statue préférée.

    - Alerte ! Trouvez-moi les deux femmes qui doivent se cacher quelque part dans cette baraque ! Ne les tuez pas, mais ramenez-moi ces deux garces !

      Il n’avait pas terminé son hurlement hystérique que le bruit assourdissant d’une explosion se fit entendre. La propriété du colonel Amalric était bombardée. Celui-ci lança une dizaine de jurons avant de quitter la pièce en courant.

    - Venez ! souffla Wendy. Je sais comment nous allons pouvoir sortir de là ! Je connais bien la maison…

      Johanne suivit sa mère dans les couloirs sombres de la propriété. Elles parvinrent sans encombre dans le sous-sol du bâtiment.

    - Il existe une issue qui permet de sortir directement sur la route. expliqua-t-elle. Elle se trouve dans le cagibi du fond si je me souviens bien.

      En effet, elle fit pivoter une poignée dans le sens inverse normalement utilisé. Une ouverture apparut dans le mur.

    - La sortie est au bout ! souffla Wendy.

      Johanne se retourna brusquement. Elle entendit le piétinement des hommes du colonel Amalric dans l'escalier. La voix de celui-ci se rapprochait. Elles n’avaient plus le temps. Sans hésiter, elle lui tendit son sac.

    - Altaïr ! Vous devez survivre ! Je n’ai aucune importance pour la Révolution, vous si ! Si nous sortons toutes les deux, il nous poursuivra ! Je vais le retenir ! Partez à l’astroport ! Rejoignez le Hook et Sham ! Vite ! Sham ! Le vaisseau appelé Hook !

      Disant ces paroles, elle poussa brusquement sa mère à l’extérieur et referma le passage avant de se réfugier dans la pièce d'à-côté. Elle essayait de déverrouiller une porte, le cœur battant lorsqu'un ordre la fit se retourner lentement.

    - Loreen Chapman ? s’exclama Amalric. C'est toi la responsable de ce carnage ? C'est toi qui as coordonné les bombardements ? Où est Altaïr ?

      Johanne essaya de ne pas montrer sa terreur.

    - Je ne suis pour rien dans l'attaque ! Altaïr n’est pas ici ! Je savais qu’elle aurait plus de chance si nous nous séparions. Elle n’est plus avec moi !

      Amalric s’approcha, menaçant.

    - Où est-elle ?

    - Dehors ! Si vous êtes là, alors elle a réussi à vous échapper. Elle va reprendre la lutte contre l’Union ! jeta Johanne. Sa légende est toujours vivante, sa résurrection galvanisera les gens. Elle finira bien par vous détruire !

          Hors de lui, Amalric l’attrapa par le bras. Il la secoua violemment avant de la projeter sur le sol. La tête de la jeune fille heurta le mur. Elle perdit connaissance.

     8 - 1

     Suite du chapitre 8


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  •   Dissimulée derrière le passage, Wendy entendit les paroles d’Amalric. Le son de cette voix haïe la bouleversa. Elle se mit à courir en direction de la ville, les questions se bousculant dans sa tête. Qui pouvait bien être cette Loreen qui venait de donner sa vie pour elle ? Que s’était-il passé pendant son hibernation ? Et d’ailleurs, combien de temps avait-elle été prisonnière de la gangue de marbre ? Dès qu’elle fut hors de vue de la propriété d’Amalric, elle se mit à courir. Arrivée à l’entrée de la ville, elle monta dans un aérobus. Le cœur battant à se rompre, elle resta sur le qui-vive jusqu’à l’astroport. Épuisée et affamée, Wendy dut s’acheter un sandwich avant de se mettre à la recherche de son seul contact. Le Hook et un certain Sham. Après avoir traversé tous les hangars, elle finit par trouver le vaisseau.

    8 - 2

    Anxieuse, elle s’avança vers la passerelle ouverte. Deux hommes montaient à bord en se disputant. Elle entendit des bribes de conversation.

    - Non, Camille ! Nous ne pouvons pas y aller ! Les commandos du groupe de Ralf Stens ont bombardé la propriété d’Amalric ! C’était prévu depuis longtemps ! Je n’ai pas réussi à le joindre pour arrêter la manœuvre. Si on y met le nez…

    - Mais te rends-tu compte de ce qu’elle risque ? Bon sang ! Don avait raison ! On aurait dû la boucler dans sa cabine ! Et il n’a pas donnée signe de vie depuis des heures non plus ! 

    - Excusez-moi, seriez-vous Sham ? appela Wendy à voix basse.

      Les deux hommes sursautèrent. Arkab bondit sur elle et l’immobilisa. Jean-Loup avait sorti son capteur infrarouge et scrutait les environs. Il la scanna aussi.

    « Elle a l’air seule et sans mouchard.

    - Montons-la à bord ! lança Camille. On ne peut pas se permettre de se faire remarquer.

      Altaïr se débattait, mais faible comme elle était, elle ne pouvait pas rivaliser avec la force des deux hommes. Ils la conduisirent jusqu’à la pièce principale où Jean-Loup Montjoie la reconnut brusquement.

    - Wendy ! cria-t-il en reconnaissant la femme qu’il croyait avoir perdu.

      Les deux hommes la lâchèrent immédiatement, mais elle ne put plus supporter tout ce qui venait de lui arriver. Elle s’effondra sur le sol.

    8 - 2

       Lorsqu’elle reprit connaissance, elle était allongée sur une couchette. Elle distingua trois voix différentes qui parlaient tout près d’elle. Elle ouvrit les yeux et dut cligner plusieurs fois des paupières pour que sa vue redevienne distincte. Elle se redressa sur les coudes. Les voix se turent.

      Elle jeta un bref regard autour d’elle. Son cœur se serra. Elle crut reconnaître la jeune femme noire qui l’avait sauvée, mais ce n’était pas elle, les yeux étaient ambre et non verts. Un des hommes resta en retrait tandis que le second s’approchait d’elle, l’air terriblement ému.

    - Wendy ! murmura-t-il.

    - Mon Loup !

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       Sans réfléchir, elle se jeta dans ses bras. Il la serra très fort contre lui. Elle s’écarta brusquement.

    - Où suis-je ? demanda-t-elle.

      Jean-Loup sourit.

    - Tu es à bord du vaisseau du commandant Sham.

      Wendy fronça le sourcil. « Qui est-ce ? » Son regard se posa sur l’autre homme. Elle poussa un petit cri.

    - Non ! Ce n’est pas possible ! Tu n’es pas… Camille !

      Jean-Loup baissa les yeux.

    - Wendy, il faut que tu saches… Il y a très longtemps que tu as disparu. Nous t’avons crue morte.

    - Combien de temps ?

    - Onze ans. avoua Camille.

    - Onze ans ! souffla-t-elle, affolée.

      Jean-Loup crut comprendre son angoisse.

    - Tu viens de passer un examen médical complet. Le médico-droïd a rendu son verdict. Pour lui, tu es toujours une femme de trente-huit ans et non de quarante-neuf. Le temps s’est arrêté pour toi, mais pas pour nous…

      Wendy hocha la tête et considéra Jean-Loup, qui la regardait avec tendresse et inquiétude. Il avait vieilli, en effet. Ses cheveux étaient maintenant grisonnants. La dernière fois qu’elle l’avait vu, il n’avait pas ces rides soucieuses sur le front. Elle avisa la jeune femme qu’on ne lui avait pas présentée. Camille avança.

    - Wendy, je te présente Syndël Myryan.

      Les deux femmes se serrèrent la main.

      Le jeune homme finit par poser la question qui lui tenait à cœur.

    - Wendy ? Comment as-tu été libérée ?

    - Je ne le sais pas très bien. Les ténèbres se sont dissipées brusquement. Je me suis réveillée dans les bras d’une jeune fille à la peau sombre. Elle m’a dit s’appeler Loreen. Est-ce votre sœur, Syndël ?

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       La chanteuse secoua négativement la tête, n’osant pas lui révéler elle-même la vérité.

    - C’est ma meilleure amie.

    - Elle a donné sa vie pour moi. Elle a retenu Amalric pour me permettre de fuir.

      Jean-Loup blêmit.

    - Non ! Ce n’est pas possible ! Elle n’est pas morte ?

      Wendy soupira.

    - Je ne sais pas. Mais peut-être cela vaudrait-il mieux pour elle, plutôt que subir la colère de Cal Amalric. Je lui ai révélé le passage pour sortir de chez Amalric, par les sous-sols. Mais c’était presque trop tard. Elle m’a poussée dehors en me disant qu’elle n’avait aucune importance. Elle m’a ordonné de venir ici. Elle m’a dit que c’était toi qui l’avais envoyée, Loup !

      Jean-Loup chercha les mots pour lui avouer l’identité réelle de l’inconnue.

    - Wendy ? Tu connais la jeune femme qui t’a sauvée. C’est Johanne, notre fille.

    - Notre fille, mais ce n’est qu’une… adulte ! finit-elle avec un sourire triste. Mon Dieu ! C’était Johanne ? Mais, elle n’a pas la peau noire !

    - Il existe bien des moyens de foncer ou éclaircir la couleur de sa peau… commenta Camille.

      Soudain, Wendy réalisa ce qui venait d’être dit.

    - Loup ! Ne me dis pas que tu as envoyé ma fille se jeter entre les griffes de ce sadique !

      Camille comprit que les explications risquaient de s’éterniser. Wendy ne pourrait jamais rattraper onze ans en dix minutes.

    - Le temps accordé pour les retrouvailles est écoulé ! coupa-t-il. Wendy, vous allez immédiatement repartir avec Jean-Loup et Syndël, pour rejoindre le vaisseau amiral. Le sacrifice de Johanne ne doit pas être vain. Moi, je m’occupe de retrouver Sham. Il va forcément me contacter. Il saura quelque chose. Je vous tiens au courant.

    - Je reste ici ! avança Syndël, déterminée.

    - Et pourquoi donc ? s’enquit Camille étonné.

    - Parce que je ne fuirais pas lâchement. Je n’abandonnerai pas Johanne ! rétorqua-t-elle en bravant ce regard vert qui la fascinait depuis la première seconde.

      Camille haussa les épaules.

    - Comprenez-moi, ce n’est pas une fuite, Syndël. Si vous êtes repérée, ce pourrait être dramatique pour vous ! Amalric doit avoir lancé un mandat contre vous !

     8 - 2

     - Je ne partirai pas sans elle ! s’entêta-t-elle. Johanne est mon amie ! Si vous parvenez à les retrouver, peut-être vous faudra-t-il quelqu’un pour faire décoller le vaisseau en urgence ou vous aurez besoin d’une diversion…

      Camille capitula, touché par la détermination affichée par la jeune femme. Les yeux d’ambre montraient sa décision de ne pas céder.

    - C’est d’accord. Mais vous ne quitterez pas ce vaisseau. Et vous suivrez mes instructions. »

    Suite du chapitre 8


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  •   Lorsque Johanne reprit connaissance, elle ne sut tout d’abord plus ce qui lui arrivait. Elle était enchainée à la verticale. Ses pieds ne touchaient pas le sol. Un bandeau noir était noué autour de ses yeux, l’empêchant de voir où elle se trouvait. Un bâillon très serré la gênait pour respirer. Elle essaya de bouger. Le moindre mouvement provoquait une douleur lancinante dans son crâne.

     8 - 3

     « On dirait qu’elle émerge ! » entendit-elle.

    - Elle récupère vite, cette petite ! ricana une seconde voix masculine. Tu crois qu’on peut s’amuser un peu ?

    - Le patron la veut pour lui ! N’y touche pas, il t’écorcherait vif ! Allons plutôt le prévenir. »

      Lorsque la porte eut claqué, elle sursauta, puis ne put plus percevoir un seul son. L’affolement la gagna ; depuis combien de temps pouvait-elle être ici ? Et sa mère ? Altaïr avait-elle réussi à s’enfuir ? La porte s’ouvrit et se referma encore une fois, renforçant son angoisse, d’autant plus que personne ne se manifestait. La jeune femme fut soudain prise d’un tremblement incontrôlable. Ce “patron” ! Ce ne pouvait être qu’Amalric ! Et qui était-elle pour lui ? Loreen Chapman, originaire de Syncra ? Ou Johanne Paresc Dorval ? Elle se raidit soudain. Ce n’était pas un son. Plutôt un déplacement d’air tout près d’elle, sur ses jambes… Puis le bruit d’une respiration, un souffle chaud dans son cou… Des mains se posèrent sur ses hanches, autour de sa taille. Son hurlement s’étrangla dans sa gorge, étouffé par le bâillon.

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     - Bonjour, Loreen ! chuchota la voix d’Amalric contre son oreille. Je suppose que tu comprends dans quelle situation tu te trouves. Tu es avec moi sur le vaisseau carcéral de l’Union. Tu sais quel châtiment attend celles qui osent se moquer de moi ! Pourquoi donc t’être mêlée de ce qui ne te regardait pas ? En quoi le sort d’Altaïr pouvait-il t’importer ? Serais-tu donc, comme elle, bien plus qu’une chanteuse ? C’est ce à quoi nous allons vite travailler.

      Elle sentit qu’il reculait un peu, puis il se décida à lui enlever le bandeau qui couvrait ses yeux. Il claqua des doigts et une violente lumière blanche jaillit d’un projecteur derrière lui. Elle distinguait à peine ses traits, mais son sourire carnassier luisait dangereusement.

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     Détournant les yeux pour s’habituer plus vite à la lumière, elle essaya de découvrir où elle était retenue. Manifestement, c’était une salle d’interrogatoire, avec une table et quelques chaises en métal. Sur les murs, plusieurs carcans magnétiques pour lier les prisonniers étaient vides. Un hoquet lui échappa en voyant les objets posés sur la table. Des couteaux et des pinces, ainsi qu’un appareillage électrique.

    - Dites-moi que je rêve ! s’exclama-t-il en reculant d’un pas. Voilà qui me semble très intéressant, tu as la peau claire en fait ! À quoi ressemble donc ton visage, sans ce maquillage qui te dissimule ? murmura-t-il, rêveur.

      Johanne comprit avec résignation que son produit avait cessé de faire effet. Elle était sûrement restée inconsciente plus de dix heures… Il s’éloigna quelques instants. Il revint avec une petite bassine d’eau, qu’il lui lança à la figure. Avec un frisson, la jeune femme sentit l’eau glacée couler dans son cou, le long de son dos et coller sa brassière et son short contre sa peau. Sans tenir compte de son malaise, il attrapa une serviette et se mit en devoir d’effacer toute trace du fard vert, avec une rudesse qui lui arracha un gémissement.

    - Voilà ! C’est mieux ! approuva-t-il lorsque toute trace de maquillage eut disparu.

      Elle ferma les yeux tandis qu’il la tirait violemment en avant. Il passa la main sur le haut de son dos, découvrant avec intérêt le maquillage qui masquait son grand tatouage vert. Un éclat de rire narquois échappa au colonel.

    - Johanne Paresc ! Ainsi mon piège aura tout même fonctionné.

      D’un geste brutal, il arracha son bâillon. Johanne réprima un cri de douleur et respira profondément, emplissant ses poumons de l’air qui commençait à lui manquer.

    - Tu as donc réussi à libérer ta mère… Où est-elle ?

      Johanne leva vers lui son regard qu’elle s’efforça de rendre impénétrable, malgré sa terreur.

    - Je l’ignore, colonel Amalric.

      Une gifle magistrale lui coupa la parole. Elle sentit le goût du sang sur sa langue. Il lui avait fendu la lèvre.

    - Ma chère Johanne, si tu ne veux pas trouver agréable le sort que j’avais réservé à Altaïr, tu aurais intérêt à me répondre !

    - Mais je ne le sais pas ! Nous nous sommes séparées et c’est moi, que vous avez trouvée !

    - Avec onze années de retard, elle n’aurait jamais pu se dissimuler dans Baire sans ton aide ! Où l’as-tu envoyée ?

    - Nulle part ! Je n’ai même pas eu le temps de lui dire qui j’étais ! »

      Il recula d’un pas, la toisant d’un air appréciateur.

    - Tant mieux que tu sois récalcitrante ! J’avais vraiment envie que nous ayons une petite discussion tous les deux. Il va falloir aussi me dire qui t’a libérée la dernière fois. Mais plus tard, quand je t’aurai un peu punie…

      La deuxième gifle prit la jeune femme par surprise. Elle gémit à la troisième. Dans sa tête, les idées tournaient et retournaient, troublées par les coups d’Amalric. Sham avait raison, elle risquait de trahir la Révolution, de les mettre tous en danger. Elle devait tenir… Tenir suffisamment longtemps pour que ses aveux soient crédibles… Quelle fausse piste suffisamment solide pourrait-elle…?

      Les coups cessèrent. Amalric passa doucement son index contre la lèvre ensanglantée avant de le porter à sa bouche.

    « Délicieux ! Bon, je me sens un peu moins en colère contre toi. Que pourrais-tu me dire de beau, petite chérie ? Tiens, par exemple, qui t’a tirée de mon lit la dernière fois ?

    - Personne ! murmura-t-elle. J’ai pris votre acolyte par surprise. Il a voulu me violer sans vous attendre. Je l’ai tué.

      Un coup violent dans son estomac lui arracha un cri.

    - Comment aurais-tu pu t’en sortir seule ? C’est absurde !

    - Hassan…

    - Je l’ai exécuté, trouve mieux ! Bon, puisque tu es si malhonnête avec moi, je vais devoir sévir !

    - Je vous en prie ! Hassan m’avait laissé des instructions pour m’enfuir… »

      Sans l’écouter, Amalric s’empara des deux câbles reliés à l’appareil que la jeune femme avait repéré. Il caressa nonchalamment ses épaules avec les électrodes. De violentes décharges arrachèrent des hurlements à Johanne. Elle se sentait de plus en plus nauséeuse. Amalric reposa les câbles sur le côté après quelques minutes.

    - Alors, qu’attends-tu pour me dire la vérité ?

      La jeune femme n’avait même plus la force d’ouvrir les yeux. Protéger la fuite de sa mère et Sham. Cela seul comptait.

    - Je vous ai dit la vérité ! gémit-elle. J’avais révélé à Hassan que je l’espionnais. Il m’a confié qu’il avait dissimulé un petit chasseur à l’astroport d’Yperis. Je vous le jure !

    - Et après ?

    - J’ai rejoint Baire. Syndël… Mon amie d’enfance… La rumeur sur ma mère… »

      Sa voix se brisa.

      Tandis qu’elle balbutiait ses aveux, Amalric avait rebranché ses câbles. Elle perdit connaissance sous la décharge. Il la ranima brutalement.

    - Rien à redire sur tes mensonges ? Et ta Syndël ? Elle est où ? Et ta mère ?

    - Pas des mensonges. Parties… Loin… Elles devaient… Rhyway. Syndël connaissait un… »

      Elle perdit à nouveau connaissance. Amalric jura, dubitatif, se demandant quelle était la probabilité qu’une gamine comme elle ait la résistance nécessaire pour mentir.

    « Mon colonel ? Un appel urgent du palais présidentiel ! »

      Il jura en sortant de la pièce. Lorsqu’il revint, Johanne émergeait doucement. Il la gifla encore.

    - Je n’ai plus le temps de m’occuper de toi, ma petite Johanne. Les rebelles sur Olchester ont une poussée de fièvre dirait-on ! J’ai de la révolte à mater. Les services secrets sur Baire et Rhyway sont en alerte, ainsi que sur toutes les planètes donc Altaïr me sera rendue très rapidement, même sans ton aide. Et ton amie tombera vite entre mes mains elle aussi. Et, toi… Je t’avais bien prévenue. Tu vas aller faire un petit tour sur la planète grise.

    - Oh ! Non ! cria-t-elle, le visage crispé par l’effroi. Je vous en prie, pas ça !

    - A moins que tu aies des informations supplémentaires sur ta mère et tes complices ?

      Johanne ferma les yeux. Elle ne trahirait jamais Wendy. Jamais.

    - Je vous assure que je vous ai tout dit. murmura-t-elle. Je vous en prie…

      Amalric haussa les épaules.

    - Dès demain matin, tu seras sur la planète grise. Comme tu le sais sans doute, la population y est à 99% masculine. Ils seront sans doute très heureux que tu leur tiennes compagnie ! D’ici quelques semaines, quand la situation sera calmée, je reviendrai prendre de tes nouvelles, Johanne ! A mon avis, tu m’imploreras de t’emmener… Tu seras prête à tout pour moi ! Voilà de quoi te retrouver ! »

      Il sortit un pistolet marqueur qu’il braqua sur son bras. Un hurlement échappa à la jeune femme lorsque la fiche contenant le capteur magnétique s’enfonça sous sa peau.

    « C’est vrai qu’on met un anesthésique local pour les animaux d’habitude… A très bientôt ma petite ! Tu auras sans doute appris des tas de choses… »

      Il quitta la pièce, non sans lui avoir jeté un dernier regard appréciateur.

    « Mettez-la dans une des capsules de déportation ! Direction planète grise immédiate ! » entendit-elle au fond du couloir.

      Deux soldats de l’Union pénétrèrent dans la chambre et la détachèrent. Ils durent la retenir pour qu’elle ne s’effondre pas à terre. Le plus petit des deux hommes l’insulta copieusement tandis que l’autre la poussait devant lui, sans ménagement.

    8 - 3

    Derrière leurs casques, elle ne pouvait pas distinguer leurs visages. Elle fut conduite dans un des vaisseaux standards de l’Union. Le plus grand des deux gardiens la força à entrer dans une des capsules carcérales. Ces engins étaient simplement des ovoïdes de la taille d’un sarcophage, à l’intérieur duquel le prisonnier était sanglé. La capsule était alors refermée, puis larguée à la surface de la planète prison, où elle s’ouvrait seule, permettant à son occupant de s’en extraire.

      Avant de refermer la capsule sur elle, un des soldats effleura sa joue trempée de larmes du bout des doigts. Elle ne le vit pas déposer subrepticement un sac à ses pieds avant de bloquer la porte.

    Chapitre 9 )

     


     

    Et voilà la suite des aventures de Johanne, son plan n'était pas aussi parfait que prévu finalement. Mais comme son seul objectif était de libérer sa mère, on peut dire qu'elle a réussi.

    Un petit passage manque d'illustrations, mais bon, en sims, la "discussion" entre Johanne et Amalric aurait été difficile à décrire complètement. A ce sujet, désolée pour les âmes sensibles que j'ai pu choquer, mais Amalric est un salaud dans l'armée donc peu de chance pour qu'il se contente de la réprimander. Il veut des infos, il les extorque. Par chance pour Johanne, il a été obligé de s'arrêter assez vite.

    J'espère que ça vous a plu cette fois encore. Bisous

    Koe


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  •   Johanne perdit très rapidement connaissance. Elle ne se réveilla que lorsque sa capsule atterrit sur la surface de la planète grise. Le couvercle de son sarcophage s’ouvrit avec un grincement sinistre. Elle se leva avec difficulté, encore sous le choc de l’interrogatoire d’Amalric. Le vent glacial la fit frissonner. Elle fit quelques pas, regarda autour d’elle. Rien ne bougeait. La planète grise n’était en fait qu’un gigantesque dépotoir où la végétation dissimulait mal les anciennes traces de civilisation. Elle savait que quelques siècles auparavant, une bombe à neutrons avait explosé, détruisant toutes les villes et la plupart des habitants de la planète. On avait décidé en haut lieu de ne pas la faire reconstruire. Elle avait été transformée en un lieu pénitentiaire définitif, sans gardien et sans issue. Le moindre vaisseau qui s’en approchait était détruit sans sommation par les escouades de l’armée qui patrouillaient autour de la planète. De temps en temps, un patrouilleur de l’Union descendait faire un relevé de la population vivante, laissant des caisses de vivres et de matériel de base en échange de la coopération des chefs de clans.

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      Il faisait nuit. Johanne se blottit contre la capsule, gelée et terrifiée.

      Un peu moins de cinq minutes après son atterrissage, une seconde capsule vint s’écraser à côté de la sienne, la faisant sursauter. Sous ses yeux effarés, le couvercle se souleva. Son passager en sortit souplement, silhouette fantomatique dans l’obscurité.

    « Charmant comité d’accueil ! »

    Une panique sans nom s’empara de la jeune femme qui recula, tourna les talons et se mit à courir.

      Donatien n’hésita pas une seconde avant de se lancer à sa poursuite.

    - Attends, Johanne ! Vains dieux ! Reviens !

      Malgré tous ses efforts, Johanne sentait son poursuivant se rapprocher. Finalement il se jeta sur elle, l’immobilisant sur le sol grâce à un plaquage digne d’un rugbyman.

    - Johanne ! Je t’en prie, calme-toi ! murmura-t-il comme elle se débattait. C’est moi ! Sham !

    - Commandant Sham !

      Johanne se détendit brusquement.

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    (HS: L'image est claire pour des raisons de visibilité, mais il fait presque noir en réalité )

    Soulagé, Donatien la lâcha. Elle resta allongée à terre, épuisée.

    - Que fais-tu ici ? murmura-t-elle, à peine rassurée.

    - J’étais venu flanquer une correction magistrale à une petite inconsciente, ma belle ! gronda-t-il. Mais Amalric est passé avant moi, si j’en crois les magnifiques ecchymoses qui ornent ton visage ! Ce n’est ni le lieu, ni le moment de régler mes comptes. Allez, redresse-toi !

      Il l’attrapa par le bras, l’obligeant à se lever. Elle gémit et il relâcha son étreinte.

    - Désolé, ma belle ! Mais nous ne devons pas rester ici ! expliqua-t-il en parlant très vite. Dès qu’une capsule tombe, des bandes souvent pas très recommandables débarquent pour “s’occuper” du nouveau venu. Une fille, surtout dans ta tenue, est une denrée si rare que tu serais une proie de choix pour eux !

    - Comment sais-tu ça ?

    - On en discutera plus tard ! Prends le sac que j’ai mis dans ta capsule et suis-moi !

      Trop étonnée pour protester, Johanne obéit. Elle se mit à courir derrière son compagnon. Sham avait enlevé son masque ! songeait-elle. L’obscurité ne lui permettait pas de distinguer correctement ses traits, malheureusement. Tout à coup, elle ne le vit plus. Elle s’arrêta net, pétrifiée par l’angoisse.

    - Qu’est-ce que tu fabriques ? chuchota-t-il, courroucé. Viens te mettre à couvert !

      Il la tira par le bras. Elle se sentit tomber dans un trou sombre, au milieu de buissons.

    - Couche-toi par terre et surtout, ne dis rien !

      Subjuguée par le ton impérieux, la jeune femme se laissa tomber sur le sol. Elle sentit avec un peu d’angoisse Sham l’attirer contre lui.

    - Pas un bruit ! »

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      Au milieu de la grande trouée où leurs capsules étaient tombées, des silhouettes sombres venaient de faire leur apparition. Les hommes se penchèrent avec précipitation sur les engins, mais durent constater qu’ils étaient vides. Manifestement furieux, ils cherchèrent autour d’eux, mais les deux jeunes gens étaient partis trop loin. D’ordinaire, les nouveaux exilés ne s’éloignaient pas de leur lieu de chute, permettant ainsi aux gangs de les trouver immédiatement.

      À la fois terrifiée et frigorifiée, Johanne se mit à trembler. Donatien le sentit.

    - Nous allons rester là pour la nuit, ma belle mais tu vas changer de vêtements. souffla-t-il à son oreille. Vu tes fringues, ou ton absence de fringues plutôt, c’est un coup à mourir d’une pneumonie !

      Il s’écarta d’elle et ouvrit un des deux sacs. Il en sortit un tricot noir en tissu synthétique, très chaud, puis des grossiers vêtements masculins, destinés à dissimuler ses formes féminines.

      Sans lui laisser d’autre choix, il se mit en devoir de lui ôter son costume de scène humide. Il la bâillonna de la main, lorsqu’elle voulut protester.

    - Aide-moi, au lieu de gigoter ainsi ! Je n’en veux pas à ta pudeur ! Vu la lumière qu’il y a dans ce trou, je ne risque pas de voir grand-chose !

      Lorsqu’elle fut complètement habillée, Johanne releva ses longues tresses sombres et les coinça sous le béret noir qu’il lui tendit.

    - Parfait ! approuva-t-il. Si on se fait piéger, ton nom est Jo. Ici, pour survivre, il faut accepter de s’aliéner à un des gangs, c’est-à-dire devenir l’esclave du petit chef et de ses lieutenants. Dans ton cas, ce serait équivalent à Amalric, à part que l’hygiène de ces mecs est déplorable. Donc tu vas m’obéir sans discuter jusqu’à ce qu’on soit en sécurité. Clair ?

    - Très clair ! Mon général ! fit-elle en esquissant un salut militaire.

      Le jeune homme se détendit et sourit.

    - J’ai lu dans le dossier d’Amalric que tu étais une experte en tir à l’arc. Est-ce vrai ?

      Elle hocha la tête, essayant de percevoir précisément son visage dans la pénombre, mais seuls ses yeux brillants lui étaient distincts.

    - Parfait !

      Il ouvrit le second sac, énorme, qu’il avait apporté dans sa propre capsule. Il en sortit un long arc en métal rare. Il le lui tendit, ainsi qu’un carquois rempli de flèches à l’embout électrique. Celui qui en recevait une était soumis à une décharge électrique qui le mettait hors combat pour une dizaine d’heures.

    - Merci.

      Ils mangèrent un peu, en essayant de faire le moins de bruit possible, car des petits groupes cherchaient encore autour d’eux, sans pour autant découvrir la fosse dissimulée sous la végétation.

          Épuisée, Johanne finit par s’endormir. Dans son sommeil, elle se blottit contre Donatien qui referma ses bras sur elle. Il fut pris d’une soudaine envie de l’embrasser, mais s’abstint. Elle avait besoin de sommeil. Mieux valait ne pas la réveiller. Et puis, ce n’était pas le moment de compliquer les choses ! Il restait encore un certain nombre d’explications à lui donner.

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     Suite du chapitre 9


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  • - Bonjour, ma belle !

      Johanne se réveilla lorsque les premières lueurs du soleil vert autour duquel tournait la planète grise apparurent à l’horizon. Sham la secouait doucement. Comme à son habitude, elle s’étira consciencieusement avant d’ouvrir les yeux. La déception voila son regard vert, car le visage du jeune homme était de nouveau masqué.

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     - Tu te caches encore ? murmura-t-elle, déçue.

    - Ce n’est vraiment pas le moment d’aborder ce genre de considérations. coupa-t-il. Lève-toi doucement, prends le petit sac et ton arc, et suis-moi.

      La jeune femme obéit. Elle se coula à sa suite hors des buissons. Il s’arrêta pour la regarder à la clarté de l’aube.

    - Ton visage est vraiment trop fin pour passer pour un homme ! » fit-il en remettant une de ses tresses qui avait glissé du bonnet. Il crispa les mâchoires à la vue des ecchymoses qui ornaient son visage. « Ce salopard ne t’a pas ratée cette fois encore… »

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      Johanne se baissa et macula ses joues et son front avec de la boue. « Est-ce mieux ? »

    - J’espère que ça suffira, ma belle !

      Ils marchèrent une grande partie de la journée, sans presque parler. Johanne le suivait, se cachait lorsqu’il lui en donnait l’ordre. Mais, dans sa tête, les questions tournaient et retournaient sans trouver de réponses. Sa mère avait-elle pu rejoindre le vaisseau de Sham ? Pourquoi le révolutionnaire avait-il pris le risque de revenir ici, sur la planète grise ? Pourquoi s’était-il de nouveau dissimulé ? Et où l’emmenait-il ?

      En fin de journée, ils atteignirent le sommet d’un col escarpé et Sham se tourna vers elle.

    - Nous sommes presque arrivés dans mon refuge. Nous devrions y être en sécurité ! Mais il reste un passage assez ardu !

      En effet, en contrebas, ils durent descendre une barre rocheuse extrêmement glissante. A plusieurs reprises, il la retint pour qu’elle ne glisse pas. Elle poussa un soupir de soulagement lorsqu’elle prit pied dans la grotte.

    - Voici mon antre ! s’écria-t-il. Enfin, ce qui était mon antre, il y a quelques années… Pas très confortable ! Mais il faudra bien s’en contenter !

      Johanne fit quelques pas à l’intérieur. Une caverne vide, une espèce de banquette en pierre, la trace d’un vieux foyer.

    - Assieds-toi donc ! ordonna-t-il. Nous allons manger un peu, puis on attaquera les explications.

      Johanne constata qu’elle mourait de faim. Elle avala sans parler tout ce qu’il lui donna, trop peu à son goût. Elle ne fit aucune remarque. Il valait mieux se rationner.

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      Après le repas, elle se souvint du dernier geste d’Amalric et roula sa manche pour observer la plaie.

    - Tu es blessée ? Laisse-moi voir ! Qu’est-ce que ce tortionnaire t’a encore fait ?

    - Il m’a marquée, pour pouvoir me retrouver dans quelque temps… Un capteur magnétique, comme pour les animaux.

      Donatien jura. Il fouilla dans son sac et nettoya doucement la zone.

    « Ça va brûler ! prévient-il avant de poser un petit appareil sur sa peau. Il y eut un flash rouge et Johanne se mordit la lèvre pour ne pas hurler.

    - Ça y est, je l’ai détruit. Rien d’autre à signaler ? s’enquit-il en enduisant la zone brûlée d’un gel apaisant. Il ne faudrait pas que quelque chose s’infecte. La zone n’est pas très saine !

      Elle secoua la tête.

    - Il m’a juste électrisée…

      Sham leva les yeux au ciel.

    - Sans commentaire. Je suppose que tu dois te poser pas mal de questions, n’est-ce pas ?

      La jeune femme hocha la tête en frottant doucement son bras.

    - La première concerne ma mère. Sais-tu si elle est parvenue à rejoindre ton vaisseau ?

    - Tu as vraiment réussi à libérer Altaïr ! acquiesça Donatien avec une pointe d’admiration dans la voix. Je ne l’ai pas vue, mais j’ai pu joindre Camille. Elle était en sécurité à bord du Hook, avec Jean-Loup et une certaine Syndël…

    - Ah ! Syndël est sauvée elle aussi ! s’exclama-t-elle, soulagée. Amalric ne peut plus rien contre elle. J’avais si peur pour elle ! Mais alors ? Pourquoi es-tu ici ? Je ne suis rien, pour la Révolution, c’est Altaïr qui compte !

      Donatien soupira. Lorsqu’il avait réussi à s’évader de la planète grise, il n’aurait jamais pu imaginer qu’il y reviendrait un jour de son plein gré. Il se détourna de Johanne qui levait vers lui son regard vert attentif. Il retira son masque d’un geste vif.

     

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       La jeune femme détailla ses traits avec attention. Il vit l’étonnement et la stupéfaction s’emparer d’elle.

    - Tu… Tu ressembles à… Tu es…

    - Je m’appelle Donatien Fox-Genery, alias Don Fox, alias Sham.

    - Tu es mon Donatien !

      Johanne devint écarlate en se souvenant de ce qu’elle lui avait raconté. Le sourire du révolutionnaire s’accentua.

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     - Ton Donatien ? Tant que tu voudras, ma belle ! Mais quand on sera en sécurité loin d’ici ! Je vais plutôt te raconter l’histoire du fils de Moïra Genery. Lorsqu’une petite fille que tu connais bien m’a offert son lapin bleu, elle a fait bien plus que consoler une déprime adolescente. Je me serais peut-être suicidé lorsque tu es arrivée. Mais tes paroles m’ont fait reprendre espoir. J’ai voulu suivre ton conseil. Je me suis envolé pour “l’île des enfants perdus”, que j’imaginais être Sobolev. A tort. Dès mon arrivée sur cette planète, j’ai été arrêté dans un café. J’ai appris quelque chose qui m’a fait un effet que tu peux comprendre. Ma mère était Vega, une célèbre révolutionnaire. Tous mes biens allaient être confisqués au profit de l’Union. Un certain Amalric me condamnait à être déporté sur la planète grise, sans procès.

    - Toi aussi…

    - Moi aussi. Dès le début, j’ai compris l’angoisse que tu ressentais, même si mes paroles ont pu te faire croire le contraire.

    - C’est clair que tu n’as pas été tendre avec moi ! murmura-t-elle.

    - Navré, mais nous venions d’être trahi ! Me tromper sur ton compte aurait été dramatique pour toute la Révolution. Je n’étais pas prêt à prendre ce risque sans garantie.

    - Je me demande alors quelle idée saugrenue t’est passée par la tête, de t’auto déporter pour une traitresse potentielle ! ironisa-t-elle.

      Il leva les yeux au ciel.

    - Ne me le fais pas regretter ! Je m’étais bien juré de me tuer plutôt que de revenir ici.

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     - Comment tu t’en étais tiré ?

    - Je suis resté un an et demi dans le gang d’un certain Wolf. J’en ai pris plein la figure avant de parvenir à lui échapper. C’est là que j’ai trouvé un certain Camille Montjoie. A tous les deux, nous avons réussi à remettre en état une vieille carcasse de vaisseau. Il nous a fallu nous battre pour ne pas nous la faire voler, justement par le gang à qui j’avais échappé. C’est à ce moment-là que j’ai failli perdre mon œil. Par la faute de ce Wolf. Nous avons pu nous enfuir. Ton frère avait pu prévenir Jean-Loup et je suis rentré dans la Révolution par la grande porte. Et j’y ai gagné mon grade et ce masque que j’ai dû porter pendant plusieurs années pour sauver mon œil gauche.

      Johanne avait gardé les yeux grands ouverts pendant tout son récit.

    - Et… Vous êtes resté longtemps sur cette planète Camille et toi ?

    - Un an après notre rencontre ! fit-il en haussant les épaules avec désinvolture.

      Johanne ne répondit pas. Elle posa sa joue sur ses genoux repliés contre elle et regarda l’obscurité descendre sur eux, peu à peu.

    - Je n’arrive pas à comprendre. Pourquoi ? Pourquoi es-tu revenu dans cet ignoble endroit, après tout ce que tu as subi ?

      Donatien sourit.

    - Pourquoi es-tu allée te jeter de nouveau dans les griffes d’Amalric, ma belle ? Pour Wendy, n’est-ce pas ?

      Elle hocha la tête, n’osant pas comprendre.

    - C’est une raison analogue qui explique ma présence sur cet enfer, bien que moins… familiale. Je me suis rendu compte que, si j’essayais de me convaincre de ta culpabilité, c’était juste pour me protéger de l’effet que tu avais sur moi. Depuis des années je n’étais qu’une machine à combattre l’Union. Quand je t’ai ramenée d’Yperis, j’ai eu l’impression que mes priorités changeaient. J’ai paniqué. Lorsque j’ai reçu ton message, j’ai compris que tu ne sacrifiais que toi-même, vu que tu avais pris le temps de partager le secret de ta mère. Alors j’ai décidé que tu reviendrais avec nous, avec moi si tu le désires aussi.

      Elle ne répondit pas. Son visage était dissimulé entre ses bras. Il vit ses épaules tressaillir convulsivement. Inquiet, il s’agenouilla près d’elle.

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     - Jo ! Que t’arrive-t-il ?

      La jeune femme sembla redoubler de sanglots.

    - Petite fille, pourquoi tu pleures ? murmura-t-il à son oreille, en l’attirant contre lui.

      Johanne enfouit sa tête au creux de son épaule.

    - J’ai si peur. Je suis tellement heureuse que tu sois à la fois Sham et Donatien. J’éprouve tant de joie d’entendre ces mots ! Mais j’ai tellement honte !

    - Honte ? De quoi ?

    - A cause de moi, tu es prisonnier sur cette planète ! La Révolution avait besoin de toi plus que moi. J’aurai préféré que tu sois libre plutôt que coincé ici ! Je ne veux pas que tu meures par ma faute !

      Donatien dissimula son sourire.

    - Crois-tu sincèrement que je serais venu ici, si je n’avais une issue de secours à court terme ?

    - Tu peux nous faire sortir de là ?

    - Évidemment, ma belle ! Quand tu dormais, hier, j’ai joint Camille, puis Jean-Loup. Wendy était avec lui. Dans environ quatre jours, le Dragon sera au dessus de notre tête, avec à son bord tes parents, Camille et Syndël. Ils feront un peu le ménage pour nous débarrasser des chasseurs de l’Union, puis ils enverront le Hook pour nous récupérer. Tu es rassurée, maintenant ?

      La jeune femme essuya ses larmes avec un sourire tremblé.

    - Oui mon Donatien. murmura-t-elle en se blottissant dans ses bras.

    Chapitre 10

     


     

    Et voilà le travail ! Un peu de guimauve suppplémentaire : Sham est venu au secours de Johanne et il a enlevé son masque! Et tout a l'air  bien préparé ce coup-ci. Sham n'est pas un amateur, lui^^ Enfin, tout est prêt, tout est prêt... On verra bien au prochain épisode si ça va marcher comme sur des roulettes!

     

    Merci à vous pour vos commentaires!

    Koe

     


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